Nice – Allos – Briançon

http://www.xcontest.org/world/fr/vols/details:pascamax/18.3.2016/10:08

C’était il y a 7 ans jours pour jours, 18 Mars 2009, j’étais parti de Bleine enneigé pour finir posé sur une piste à Isola 2000. J’avais titré mon récit Plein la Vue. La neige omniprésente, une visibilité exceptionnelle avec de l’air très sec et enfin un premier taquinage des mythiques 4000 m’avaient donné la chance de voir les choses d’une manière assez singulière. Depuis, Mars m’offre quasiment chaque année une petite poignée de journées surréalistes et de vols magnifiques.

Revenons à nos moutons, le 18 mars 2016.

En ce moment, j’adore le Mont-Chauve, ça me fait délirer de monter voler en prenant la route de la crête de Cimiez, une colline Niçoise. En 20 minutes de voiture et 10 min de marche je suis au déco. Je pourrais même y aller en bus !

Cerise sur le gâteau, pas un seul parapentiste à la ronde !

Au Mont-Chauve, j’ai de nouveaux amis : Régis et « Le Général ». Il y a aussi quelques personnages connexes, eux-aussi assez mythiques, j’ai l’impression d’être dans un film! Presque tous se connaissent et ont leurs habitudes sur leur montagne. J’ai croisé de magnifiques femmes promenant leurs chiens, des cyclistes et des runners satisfaits d’être bientôt au sommet …  et, évidemment, je me régale en me préparant lentement dans cet environnement majestueux dominant notre belle Nissa et la mer.

Un tel contexte mérite uniquement une compagnie de premier choix, pour ne pas détonner avec cette symphonie. Loliv « the winner » la semaine passée et  Fabulous » Fab ce 18 mars ont décidé de satisfaire leur curiosité et ont enrichi les lieux de leurs styles si singuliers.

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Régis insiste et nous fait une visite guidée du camp de scouts… l’heure tourne, je bouillonne. Il a tant de choses à nous montrer alors que je le presse. Il a quand même 85 ans… je m’en veux, speedé par mon impatience de rejoindre le déco, il dépasse par moment sa VNE… S’il arrive quelque chose, je m’en voudrais toute ma vie. Heureusement, Fabulous se charge des politesses et me temporise… Une fois enfin dehors, on constate que l’on ne rate rien.

Question vol, les conditions tardent à se mettre en place… A 11h20, je n’en peux plus, j’ai besoin d’air et décide que l’horaire fera loi. A 11h20, même si c’est vent de cul, que les bouffes de face sont faiblardes et espacées, même si c’était nord 15kmh il y a encore 10 minutes de cela au sommet.. Il est 11h20 et c’est l’heure de décoller !!!

Après 1 min 43 sec de vol, j’ai bien compris mon ânerie. J’arrive même à rigoler à l’idée de me taper la grosse honte devant Fabulous. Mon Dieu vivant du chiffon. Pour ceux qui ne connaissent rien à l’Histoire, Fabulous est l’auteur du vol le plus légendaire et respectable du 06. Et il est logiquement au sol pendant que moi, grosse merde sans cervelle, je me fais emporter par le Nord, quel âne ! Le tas menace ! Le vent est fort, les bullettes sont in-en-rou-la-bles. Je subis à 100%, en mode « autant en emporte le vent ». Je me replie en passant la THT ricrac, priant pour ne pas tomber sur un petit cable technique qui m’aurait échappé.

C’est bon à savoir pour l’avenir : pylônes à la même hauteur = câbles peu pentus 🙁

J’arrive avec chance à me refaire après 40 minutes de lutte, remerciant la carrière située en contrebas.

Fabulous a décollé (ou plutôt sauté) du bunker ouest, je sentais qu’il n’aimait pas le déco dans les raides éboulis. Les conditions deviennent normales.

Nous sommes presque synchronisés au plaf. Je pars sans attendre sur un itinéraire initial que je connais pour l’avoir emprunté la semaine précédente, l’idée est ensuite de s’échapper un peu en remontant intégralement la rivière, quitte à rentrer le lendemain.

A Aspremont je prends le strict nécessaire et je file donc vers Gilette. J’adore cette longue transition. Fabulous se pose à Levens. Je n’ai pas le temps d’être trop déçu car j’arrive entre Var et Esteron sur « le thermique des minables » (cf  « activité de minable » chère à Dgilou dans le dictionnaire du vol libre et vous comprendrez).

C’est superbe, j’adore cette montée en 4 étapes vers le Mont-Vial. Gilette, Bonson, Revest, pentes du Vial ! Dans ces conditions matinales, l’ayant faite une première fois une semaine avant, c’est du bonheur !

Enfin au Vial, on peut souffler. La semaine précédente, j’avais effectué 35 km d’un trait jouissif, sans un seul tour jusqu’à Briançonnet. Aujourd’hui ce n’est pas possible, mais ça marche quand même correctement. Je passe le col problématique après Ascros et j’enroule ensuite sur les falaises. Je décide de traverser le Var à cet endroit (Puget-Theniers) donc je m’accroche bien au thermique pour pouvoir filer confortablement plein Nord. Je tape Auvare, c’est sans problème. La remontée en soaring au sommet du Dome de Barrot est un magnifique moment (neige, roches rouges), à remémorer sans modération durant les périodes de disette. Le parapente vient de me faire avaler un rando de plusieurs heures en quelques minutes. Je suis toutefois un peu agacé de ne pas réussir à me hisser aux nuages, mais je poursuis.

Je traverse au Nord-Ouest de Péone, j’arrive assez bas dans les bois et remonte. Cette fois, j’ai enfin droit aux nuages. Ils sont assez gourmands et je continue ma route. Je suis un peu surpris de ne pas croiser la catapulte du coin sur les pentes/barres d’Entraunes. Je prends quelques minutes à faire du soaring pour contempler l’abris de la cime de l’Aspre et rechercher le téléscope sensé être à ses côtés.

Le coin est à l’ombre, aussi je continue plus au nord, je vais arriver bas dans un coin hostile, mais au soleil. Bingo. Mars c’est avant tout magique pour cela : pouvoir visiter des coins qui seraient des plans foireux en été.

Je monte au nuage et tout devient blanc à perte de vue. Je renonce à mon idée de passer par le col de Cayole, trop de blanc sur cet axe. Je me repositionne vers Allos, la face Est donne suffisamment, les nuages ont laissé passé un peu de soleil sur les pentes en contrebas.. je suis un peu soulagé car je n’avais pas d’options évidentes…

Je transite au dessus du Lac tout blanc et j’enroule au dessus de la neige. Le Pelat est plus haut sur ma droite.

Je survole une vallée magnifique, nous étions par là depuis Jausiers avec JV une fois. C’était une belle libération après une longue galère dans l’ombre sous le col de la Bonnette.

Je décide de viser le Pain de Sucre, la fine face Ouest, perpendiculaire à la vallée. Je vais arriver sous les falaises, par le sud mais je suis confiant. Au pire, si je me fais éjecter par la brise et que je ne peux pas me positionner sur les pentes Ouest,  je me replierai sur les pentes Sud. Je passe ric-rac, sans avoir été trop contré 🙂

Cela remonte facilement, d’abord la forêt, puis les pentes herbeuses et les falaises et enfin du bien lourd jusqu’au plaf, 3800m. Ca pulse. Je suis assez impressionné, j’ai hâte de transiter. Quelques centaines de mètres avant ce plaf, un gun rouge et bleu me rejoint depuis l’aval, 2-3 tours en dessous.

Considérant la misère sociale qu’est ce vol depuis que Faboulus m’a laché…
Considérant le surcroît d’isolement apparu 20 minutes après, quand j’ai du mettre le volume de ma radio sur -5, las des guidages DMC et autres bavardages aux accents savoyards aussi gras et fins qu’une tartiflette…
Considérant tout cela donc, j’aurais quand-même pu faire en sorte d’échanger un peu avec l’Athlète. C’est vrai. Juste un petit signe, un clin d’oeil, un cri, un touch de stab façon mouette, que sais-je ?

Mais à ces altitudes, je me soucie trop de mes doigts. C’est simple, c’est comme si les dernières phalanges s’étaient fait la malle, je ne les sens plus. L’ordre de mon cortex frontal est « Cassos a Fondos sans Vracos ». Donc désolé l’athlète.

J’arrive de l’autre coté de l’Ubaye. Arrivé sous la ligne des hautes crêtes, j’ai l’impression d’être bien contré et de devoir enrouler un truc passablement turbulent, sous le vent, avec un noyau au Nord/Est.  Pour autant, ma trace semble montrer une dérive Sud > Nord, genre « Finger in the Nose »… J’affirme que ce fût en grande partie un grignotage héroïque, mètre par mètre face au vent sur une ligne très convective ! Où est la vérité ? En fait, on s’en tape, c’est passé.

Une fois hissé aux sommets, la récompense est au rendez-vous ! Une bonne crête à suivre, avec de la neige partout. Il va falloir se rendre assez loin pour que le fond de vallée devienne euh… sec. J’aurais aimé rester sur la crête et cheminer dessus comme le font les planeurs, en me gardant le luxe du choix entre la Haute-Ubaye ou l’Embrunais pour plus tard. Malheureusement, avec toute cette neige il me faudra très vite choisir et ce sera sans hésiter la civilisation et le bas-pays.  Je chemine donc un petit moment en sombrant peu à peu sous la crête avant de retrouver du thermique.

Ensuite tout se passe assez facilement jusqu’à Catina (Guillestre), à noter que la couche de brise de vallée de la Durance est très fine.

La vue sur les Ecrins, le soleil qui tombe inéluctablement, le cadre est magistral pour la dernière question du vol : vais-je atteindre Briançon ?

Après m’être placé sur les crêtes à Catina, je dois bricoler un peu vers la Roche de Rame. Je déroule et retrouve des varios sérieux sur les faces NO. A force de bricoler les falaises, j’arrive à me hisser au niveau des pentes enneigées et des sommets. Je profite, c’est probablement le dernier gain de la journée. Il est 18 heures et je survole Briançon triomphant tandis que l’ombre gagne la partie … Je me pose, heureux et déjà prêt pour la suite… auto-stop avant que ne tombe de la nuit.

Merci à Nicolas et à Lucie pour l’excellente soirée.

6 Replies to “Nice – Allos – Briançon”

  1. Nicolas

    Génial ce vol avec un début bien compliqué au mont Chauve. Bravo !

    C’est quoi le vol le plus respectable des Alpes Maritimes réalisé par Fabulous ?

  2. Lauziere

    ben bien sur loliv!!, tout le monde parapentesque « aurait aimé » faire partie du voyage, mais…rêver est une chose , pouvoir faire est autre chose.
    Bravo Pasc.!et merci

  3. Fab

    Un morceau d’histoire du vol libre dont le récit m’avait échappé. Content d’avoir découvert ton site mais ton début de vol héroïque m’a refroidi ce jour-là… Quel moral tu as pour enquiller après pareille bataille ! respect
    à bientôt pour de nouvelles aventures

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