TSL – Esteron – Clans – Colmiane – St-Honorat – Bleine – Greo

Le 29 avril 2019

https://www.xcontest.org/world/fr/vols/details:pascamax/30.04.2019/08:20

En général j’ai un peu de mal à accepter les vols que j’ai vécu comme des échecs et c’est le cas ici. Ceci dit, le parcours et le combat était épiques. Reste quand même la satisfaction d’être sorti de pas mal de pièges.

La veille : une journée marginale avec beaucoup de vent de Nord-Est et des plafs hallucinants, je fais 3300 depuis le thermique de Bleine. J’ai les doigts congélés en 5 minutes. Je devrai ensuite centrifuger mes bras régulièrement. Dès que j’accélère, que j’enroule ou que je monte trop haut ils regèlent. Ejecté par le Nord, je n’arriverai pas à rester sur la ligne qui mène au Vial et je dois me replier sur Sigale où je fais 2800 (c’est exceptionnel de faire plus de 1500 là bas). Je rentre direct à Fourneuby puis Bleine par une trajectoire directe insolite que je ne referai probablement jamais.

Le 29 avril 2019, je ne suis pas sensé voler, mais finalement la directrice de la crèche est ok pour prendre mon fils Aurélien 🙂 Je n’ai pas vraiment regardé les prévisions, j’irai voler sans trop me prendre la tête et je décollerai de chez moi à TSL, déco du bas.

Je décolle vers 10h30. Première difficulté, je sombre et dois me refaire sous les maisons bulles, coté Est.

Ensuite ça marche pas mal et je me retrouve à Greo où je reçois le texto de Christine qui m’apprend qu’elle pourra aller chercher mon fils à 16h30. Si je l’avais su au niveau de Gourdon plutôt j’aurais pu partir pour faire de l’autoroute, mais bon je vais quand même tacher de me faire bien plaisir 😉

La journée est pas mal, il ne faut pas cracher dans la soupe, mais la masse d’air n’est plus magnifiquement instable comme la veille. C’est sur que le vent moins fort la rend davantage crossable mais la magie n’est pas au rendez-vous.

Je pars sur Roquesteron direct dans le coin où ça monte. Cela n’a jamais été aussi compliqué, la crête à l’est, la végétation, les brises, les bulles cycliques, le four à l’ouest… c’est exigeant comme d’habitude mais cette fois il faut vraiment tricoter avec précision. Je je dois rester zen et me positonner au grès des aléas, surtout il faut patienter sans enchaîner 2 mauvaises décisions de suite. S’il y avait un diplôme de parapentiste, je pense que je mettrais l’examen ici 😉

Ensuite avant d’arriver à Toudon je vois un planeur sous le nuage. Il me donne l’échelle, je pensais ne pas que le plaf était si haut. J’arrive à faire le nuage et mon planeur est déjà sur le Lauvet d’Ilonse. Je parie que c’est Laurence Viard 🙂

Je vais donc à mon tour dans cette direction pour atteindre la Colmiane. Vers Tournefort sous les nuages mais rien ne monte, l’ascendance doit être plus au Nord mais je continue ma trajectoire car j’ai assez de gaz pour transiter au dessus de Clans.

Je suis un peu embarrassé par une grosse ligne éléctrique mais ça monte bien, assez franchement, tout me semble prometteur. Je commence à me faire bien balancer en me rapprochant du nuage et j’estime que j’ai largement de quoi poursuivre et arriver avec confort à la Colmiane où je vois 2 ailes à 3000 environ. Je pensais faire une arrivée triomphale sur la Colmiane… mais c’est un fiasco complet. En fait dès que je pars, c’est une catastrophe. Je suis très sévèrement contré par du NE. Pour ne rien arranger, toute la partie sud de la Colmiane est à l’ombre.

Il n’y a même pas de confluence au pic et je commence imaginer possible que le vol finisse par un tas à 13 heures.

J’arrive quand-même à bricoler et je dois ressortir dans combe de la via- ferrata . Ensuite c’est très très mou, on est sous le vent… Je perds du temps pour pas grand choses à essayer vainement de plafer à Rimplas.

 

Au Lauvet d’Ilonse, c’est compliqué. De gros cisaillements entre le vent de Nord les brises. Celle de la Tinée mais surtout, aussi, à cet endroit celle qui vient des canyons.

Impossible de faire le plaf, ça m’aurait pourtant bien arrangé. Avant j’aurais pu trouver l’excuse de la jeunesse et de la précipitation mais là je n’y arrive simplement pas alors que je le souhaite vivement. J’en viens même à regretter de ne pas être parti sur les hauts reliefs au nord pour voler haut. Ceci dit à la Colmiane cette stratégie ne m’a pas beaucoup réussi.

Donc voilà : il va falloir faire des sauts de puce :

Premier saut vers « Les Clots ». Patienter, se faire décaller, se faire cisailler, encaisser des longues tâches d’ombre….

Traverser à l’arrache vers les falaises qui mènent à la Cime du Raton. Impressionnante cette traversée ! C’est pas super porteur et j’arrive plus bas que prévu, à à mi-falaises.

Je suis au dessus de la piste qui mène à la clue du Raton, c’est toujours magique comme ambiance.

Le doute prend fin très vite : ça remonte bien. Pas de scénario catastrophe ici il vaut mieux 😉

Enfin, tout ce stress aurait être évité si j’avais fait un nuage, c’est pénible. Là encore, je n’y arrive pas.

J’arrive à faire un honorable 2700 (de mémoire) qui va me permettre d’aller au Dome de Barrot.

En fait, je commence à me sentir relativement frustré : depuis la Colmiane, je n’arrive pas à faire des tours complets qui ne soit pas entrecoupés par le silence de mon vario : le ciel est magnifique et pourtant c’est mou mou mou. Mon enthousiasme pour un énorme tour du terrain de jeu se transforme en réalisme : je vole à la vitesse d’un papy, il y a du vent, les plafs sont trompeurs et ça va être compliqué de rentrer. Toute cette section aurait pu être reglée en 5 minutes si j’avais pu faire un nuage et au lieu de cela c’est d’un laborieux.

Le dome de Barrot est merdique et inenroulable comme d’habitude. L’heure tourne et je n’ai pas le temps de faire ça à l’arrache comme disent les jeunes. Malheureusement je n’ai pas trop le choix, rien n’est évident ici.

Sur la crête, la brise vient franchement et vigoureusement de Puget-Théniers plutôt que de la vallée du Haut-Var.

C’est une bonne nouvelle et cela me permet d’attaquer avec optimisme une crête transversale que l’on pourrait en première analyse redoûter d’être sous le vent.  Le point négatif c’est qu’une fois dessus, ça décalle beaucoup. J’essaie une petit quart de heure de monter mais c’est trop compliqué et je dois me résoudre à traverser vers l’ouest sans gaz.

Donc super bas, à quelques centaines de mètres du fleuve, je vais taper une crête non pas sur son côté aval mais sur sa face latérale est, pile en face de la forte brise qui est supposée redescendre du col 500m plus haut. Je ne pourrais pas ne pas me reprocher de vouloir faire le malin, si cela ne marche pas. Mais je suis confiant car je connais ce phénomène.

Bipbipbip yes !

Cela monte en dynamique mais ce n’est pas pour autant que c’est devenu très bon. Je dois bricoler et composer avec une ombre massive et les reliefs, je perds encore un temps fou, mais finalement j’arrive à faire le nuage. Me voilà donc au sud du Saint-Honorat donc.

J’arrive finalement à me positionner au col à l’est de Jaussier qui est dans l’ombre. J’ai préféré cet endroit au falaises orientées Nord qui s’illuminent au dessus de l’embranchement routier vers Annot. C’est le même endroit où j’abouti quand je viens du Coyer, souvent ça conflue.

Je n’arrive pas à maintenir mon altitude malgré les légers bips. Je commence alors à réaliser que ça va être compliqué de se poser vent de travers dans le seul champ assez long, les arbres sont hauts. Au fil de la descente, ça devient vraiment tendu, l’aile devient de plus en plus nerveuse : je commence à être bien sous le vent de la vallée principale. J’atteins, après une belle section full bar dans le chaos, une pente assez bien orienté dans le flux du canyon en aval qui mène dans ce trou.

C’est je pense l’endroit le plus sain et accessoirement je préfère aussi être au dessus d’une forêt.

Très vite je prends des trucs assez violents, ce n’est pas que pure turbulence, ça monte. Il y a une petite ravine sous la foret qui est repassée au soleil, et je suis pile dans le flux. Je m’accroche concentré à 100% sur mon enroulage pour tenir le choc et rester dans le coeur de l’ascendance. Quand je reprend mes esprits, je suis à 3000 sous le nuage quelques kilomètres bien à l’est de l’endroit où je me suis enfermé dans ma concentration. Voilà ce que j’aime avec le parapente : à un moment tu es à 100m de te poser dans l’endroit le plus isolé du coin, à 5 heures de galère de chez toi et 5 minutes après tu es en finesse de la délivrance.

Poussé par le nord, je trace à 60kmh directement sur l’Arpille ou un nouveau cauchemar se présente. Je suis totalement scotché par la brise d’ouest et l’ouest. Je décalle comme jamais les ascendances devenues molles. Il commence à être tard. Je vois les gourdonnais rentrer sur l’autoroute, longer le col de Bleine en déroulant à mach 12, à seulement 2 kilomètres de moi. Frustrant.

2000, je rêve de faire les 2000 qu’il faudrait. J’essaie toutes les options, il en manque toujours. A un moment après environ 45 minutes j’arrive à faire 1900 et je me lance. Il me manque une vingtaine de mètres pour passer et je pose donc au nord du déco de Bleine. Je marche 50m avec l’aile en boule et redécolle après avoir foiré une tentative. Il est tard, je suis bien poussé mais ça ne monte plus.

J’arrive à dérouler et je passe 20 mètres au dessus des lignes, un peu tendu, ce qui me permet de rejoindre Gréolières où je peine à me maintenir au dessus du rond point. Le seul pilote que je surveillais à l’atterro a fini de plier son aile, je vais le rejoindre avant qu’il ne quitte les lieux.

J’ai le plaisir de rencontrer David, venu du paramoteur et super motivé par le vol libre. Je lui raconte mes aventures en sirotant une bière avant qu’il ne me ramène avec gentillesse à la maison.

J’espère que mon récit t’as plu David 🙂