Roquebrune Teillon AR
Juillet 2022, c’est la fête du live-track. C’est l’été des gros plafs et de la gavade. Ca se gave dans les Ecrins. Les compteurs kilomètriques sont explosés par la nouvelle génération, sur des nouveaux itinéraires avec une canicule qui permet de voler haut.
De quoi nourrir une certaine envie de voler quand j’arrive à m’extraire du quotidien. Mais à y regarder concrètement depuis le 06 en cette semaine de juillet, les conditions sont assez orageuses.
Il y a quand même la place de jouer si on sait se tenir un peu à distance, mais bof… c’est pas trop mon truc ça.
On tente quand même notre chance avec Arthur à Bleine en rêvant d’Annecy, mais c’est peu probant : en une heure ça avance lentement et ça bourgeonne déjà pas mal : retour, posés déco, rentrés tôt.
Le lendemain, les conditions devant s’annoncent très bonnes et permettraient de faire des vols assez atypiques mixant les balcons du premier rideau aux montagnes… C’est ce que j’arrive à vendre à Arthur ! Enfin j’enrobe un peu le plan de FAI de 300 km etc… on sait jamais. Mais déjà, les prévisions donnent la possibilité de partir de Roquebrune ou de Sospel, d’aller à l’ouest et de revenir. En faisant ça et en improvisant le minimum syndical ça fera un beau vol !
Donc c’est vendu, avec de la marge sur le RDV au cas où ça bouchonnerait. Bien, vu, Waze nous a fait quasiment descendre sur Monaco tant c’était le bordel.
Nous arrivons enfin au parking des Antennes, c’est le cagnard sans un pét’ d’air… Sur le chemin, on n’en parle pas trop, mais bon, ça sent la loose. C’est le risque : malgré des prévisions propices, une énorme stabilité. Ca arrive souvent.
Comme par magie, une fois du bon côté de la montagne, l’air est au RDV. 15 kmh de brise
Arthur et moi lorsqu’on arrive du bon côté de la montagne (mettre le son):
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Le temps de se préparer et GO !
D’entrée, ça monte et nous faisons des tours complets dans du bip bip bip.
C’est une chouette collaboration qui s’annonce, dans la belle ambiance des antennes, mais à un moment Arthur ne se laisse pas assez dériver et en est quitte pour repartir de zéro. Pour ma part ça va, le vario repart après avoir un peu ramoli.
Je constate que mon altimètre est un peu marseillais. A la louche, il annonce 100 ou 200 m + que la réalité. Ca me rappelle le vario de quelqu’un 😉
Aller, il faut y aller. Je file sur le Macaron en faisant les prières de rigueur.
En arrivant je peux passer au dessus de la ligne, YESSSS. Cela s’enchaine tout de suite avec une bricole assez correcte de thermique mou. Echaudé par mon expérience du coin, j’ai toujours un peu peur de trop en faire au moment de me replacer au vent, mais mon fidèle vario se remet toujours à biper. Je suis bien calé dans mon ascendance lorsque Arthur arrive et trouve qui semble plus pêchu, mais avec une dérive qui semble plus prononcée…
Quand mon altimètre marseillais m’annonce 1650 (qui doit être un honorable 1500), j’ai les pentes Sud-Est du Férion en finesse, mais aussi Aspremont et Carros. J’hésite un peu. Pour le Férion, je suis limite mais je ne suis pas sur qu’Arthur soit parti pour refaire ce plaf. Je me dis aussi qu’à Carros, avec un plaf équivalent on pourrait aussi s’engager sur Grasse, Montauroux… et à défaut enchainer sur Gilette. Bref, je décide de rester sur une option ouverte et pour cela Carros est top.
J’adore snober le Mont Chauve !
Sans surprise à cette heure, j’arrive à Carros sans appui, les thermiques sont mous, je vole sur des oeufs. Même une fois aux crêtes, c’est assez laborieux. J’ai juste assez pour aller à Gillette, ce qui déjà pas mal. Du coup, on va laisser tomber l’option de faire une trace vers le Lac de Saint-Cassien par devant, ce qui aurait eu une certaine esthétique…
En arrivant à Gilette, je ne trouve pas les 50 m que je grappille habituellement et qui me permettent de me hisser sur les reliefs, du coup je dois me repositionner plus bas en enrouler des trucs cycliques. Des quarts de tours dans du positif qui ne font que ralentir une descente inexorable. Cette sensation d’échec, inéluctable, est HORRRRRRRRRRRRRRIIIIIIIIIIIIIIIIIIBLE.
Me voici méga méga méga bas maintenant. J’y ai cru à un moment, mais maintenant je suis au dessus de l’usine, et je commence à me résigner à mon triste sort. Je vois qu’Arthur a raccroché Carros. Quelle excuse pourrais-je inv….. BIP BIP BIP
Voilà ce que j’attendais, j’arrive finalement enfin à faire un tour sans trou dans un truc constant ! Concentration maximale, j’incante les dieux du thermique et j’adopte ma meilleure technique pour ne pas lâcher ce thermique large et mou, à la dérive certaine. Mètre après mètre, je remonte. Mon instinct m’a incité à être super rigoureux avec les limites de cette ascendance, molle avec une belle dérive assez difficile à saisir. J’adopte un style qui m’est complètement inhabituel, mais il marche bien.
Cela commence à bien monter et je peux maintenant récolter aussi l’énergie des faces Est poussée vers moi, me recentrer est plus simple et je me détend enfin…
Je vois maintenant Arthur méga haut, mais très à l’ouest, en direction du Mont Lion. Bizarre d’aller là bas. C’est une grosse daube de sommet où on est vite enfermé, je n’y ai trouvé qu’une fois un vrai thermique en 4 passages… J’aimerais vraiment pas sombrer là bas car en bas c’est loin d’être de la bonne vallée rectiligne, sans même parler des atterros..
Finalement je n’ai toujours pas lâché mon thermique de la survie et mon vario m’annonce maintenant 1700, c’est bien faux vu que je suis à peine plus haut que le sommet de Mont Vial, mais ça ira. Et hop, c’est parti pour une section un peu plus facile, il faudra juste tenir son aile et se méfier pour passer le replat au Sud de Puget-Théniers.
Je guette Arthur qui réussi à sortir et qui va se coller aux reliefs du Vial. Il trace sans prendre le temps de se remettre sur les crêtes : quelle facilité !
J’essaie de remonter un peu avant Ascros, et finalement, je prends une mauvaise ligne et dois composer avec l’ombre vers la Penne. Je m’en tire quand même pas trop mal, Arthur se rapproche bien…
Je snobe ensuite un très bon thermique pour continuer en pensant trouver du très lourd à l’endroit exact du thermique qui compte parmi les plus énergiques du 06… et je finis… avec une daube d’ascenseur pété bien lent.
Je m’engage au Sud, au dessus des forêts en direction de Briançonnet. Et là ça va devenir hardcore. Une dérive Nord-Sud conséquente, du thermique très viril… c’est du sport. Arthur a bien plafé au gros thermique que j’avais snobé et me rejoint par dessous, il se positionne dans mon thermique et se prend direct 2 petits quarts d’aile coup sur coup. Comme 2 petites claques en aller-retour, TAC TAC, pour le prévenir.
Ce thermique bien fort fait très mauvais ménage avec ce flux de Sud. Comment peut-on monter si fort et dériver autant ? Le nuage conséquent ajoute à l’ambiance. Une fois sortie de l’ascendance, il faut bien pousser le barreau. Le flux de sud est habituel à cet endroit, mais là nous sommes bien scotchés, même hauts, magie du vent météo.
Depuis qu’on fait du sport, disons 20 minutes, les nuages ont fait X3 en nombre, en hauteur et en largeur. Cette séquence nous a un peu perturbés. Je sais que c’est toujours une période assez impressionnante où il ne faut pas forcément se résigner tout de suite pour la suite, et où il faut pouvoir se faire un peu violence… mais devant les forces de la nature, on préfère garder un peu de portée vers du bleu, alors on se dit qu’on va se repositionner sur les Lattes puis le Teillon.
Et là en arrivant au Lattes, Arthur va se transformer en oiseau ! Il se colle au relief 50 m en avance sur moi et monte puis monte puis monte en s’écartant en vallée et en avançant vers le Teillon. J’essaie de l’imiter et ça ne monte pas… En plus il y a de l’ombre partout ici… A partir de ce moment là, ce sera laborieux pendant plus d’une heure pour moi alors que lui ne fera littéralement que 3 virages pendant ce temps là.
Enroulant sur les crêtes, je le vois s’enfoncer au Teillon totalement dans l’ombre et sous les reliefs… mais va-t-il s’arrêter pour enrouler un jour ? La réponse est NON.
Après avoir fait le nuage sans être allé aussi loin que lui, je fais demi tour en avance, les conditions sont quand même un peu limite à mon goût et quand on a la bagnole à Roquebrune on se sent déjà assez loin.
Je décide l’aller vers Andon pour passer par devant, il y a 2-3 congestus sur la route que nous avons empruntée depuis le Vial, c’est aussi bien massif vers Gréo. Il y a également un bon congestus vers le Férion.
Arthur et aussi haut que moi et prend de son côté la conflu derrière Cailles, il avance sans perdre, pendant que moi je suis enfermé dans la laborieuse médiocrité. Il file ensuite vers Escragnoles…
Je prends une bonne mine pour me repositionner vers l’Audibergue. Heureusement, j’ai encore l’avantage de tracer plutôt droit.
Je suis rejoint par Arthur qui n’a toujours pas fait un virage…. Au moins, il tombe bien et m’aide par radio pour estimer ma vraie altitude alors qu’on va rentrer sous la TMA et que je dois faire des 360.
A Calern, je refais près de 2000, belle altitude que j’arrive à garder assez longtemps en direction de l’Embarnier… Ce coup de génie va m’éviter de me faire scotcher pour revenir sur Cavilore et de bien calmer l’oiseau AH AH AH !
En fait NON, il flotte, il monte, il avance… Je suis 50 m sous lui un peu au large de Cavilore où ça monte habituellement des briques en plein aprèm, lui reste aux crêtes… et continue de monter en traversant la vallée pendant que je me retrouve encore à devoir enrouler puis à devoir contourner le plateau de Courmettes alors qu’il file tout droit.
Mais quelle loose ! Cela commence à me peser un peu, j’ai l’impression d’être tellement mauvais…
Pendant qu’il flotte et qu’il trace vers la Gaude, j’arrive vers mon fief de TSL… A cette heure là en été, le meilleur moyen de monter est de ne pas se poser de question et de faire comme si on allait se poser au champ sous le Naouri car ça monte absolument partout !!!
Résultat : j’aurais pu me poser facilement au grand champ sans qu’une seule ascendance ne me contrarie !!! Je suis MAU-DIT. Comment vais-je réussir à rentrer à Roquebrune alors que je suis aussi mauvais ? En plus, le plus dur m’attend avec la traversée du Var.
Nième coup dans la face : Arthur enroule direct une mine et il est méga haut à la Gaude, il commence à traverser alors que j’arrive à peine. Et quelle arrivée ! Je commence évidemment par sombrer sous les falaises du Baou de la Gaude… Je rencontre des varios minables en mode survie… Après 5-10 minutes je trouve la mine, je m’accroche mais il en manque un peu, je vois qu’Arthur a raccroché un peu bas et tarde au Mont Chauve. Ce n’est jamais facile là bas.
J’ai bien dérivé et je risque de le regretter si je transite vers le Mont-Chauve. 1400 en amont de la trajectoire idéale ce serait un peu idiot. Si je commence à être débile en plus d’être mauvais, ça ne va pas durer longtemps.
Je décide donc de prendre tout ce qui traine sur la crête de Carros, quitte à devoir passer par Gilette et le Mont Vial (ça s’est bien clarifié au niveau des nuages). Finalement j’arrive à garder une altitude correcte de grosso modo 1400 et je tente de traverser vers le Férion, sachant qu’il faudra retrouver des trucs vers Saint Blaise ou faire demi tour assez vite pour me rabattre vers Gillette.
En fait, je ne trouve rien mais au lieu de faire un demi tour pour Castagniers puis Gilette, j’allonge quand même vers le Férion…
Dilemme entre les faces ouest rocailleuses sous le champs de Levens ou le petit dôme arboré exposé sud, au sud du champs, dans le flux de la brise ?
Je choisis le dôme : à peine 2 bips 🙁
J’allonge sur une crête – dans le flux – qui remonte au Férion, mais je suis tellement bas qu’elle est un peu sous le vent… C’est la guerre, c’est tout carré, mais enfin ça monte. Etre concentré, prudent dans l’imprudence, combattif, patient, ne rien lâcher, se repositionner sans perdre le bip…. le taf quoi…
Au loin, Arthur est toujours au ras des crêtes à ne pas sortir … ça me fait un peu plais’ il ne faut pas se le cacher 🙂
Je suis maintenant 30m sous les crêtes en face ouest… la brise de l’autre vallée gagne au sommet donc je dois encore bricoler sous le vent avant de me mettre au dessus des crêtes et là c’est comme d’hab : bingo immédiat !
J’enroule du gros et, fort de mes quelques heures de pratique de cet altimètre que j’ai baptisé Jean Paul, je quitte assez tôt le thermique pour ne pas entrer dans la TMA… La transition vers Peille est toujours aussi impressionnante…
Je vois Arthur bricoler et trouver un bon thermique dans la vallée de Peille, là où j’ai eu tant de mal pour mon premier Roquebrune – Saint Vallier – Roquebrune par devant…
Finalement il arrive à Peille et monte quelques dizaines de mètres de plus avant que j’arrive… Il dans le fond de la vallée vars une slackline, là où c’est un peu piègeux car une forte brise de mer peut contrarier le retour… mais non, no problèmo, en état de grâce le garçon !!!
Je profite ensuite de la repose au déco d’Arthur pour me faire un bon petit glide jusqu’à Menton. Quel bel endroit pour décompresser de ce beau vol, je suis claqué.