Saint-André – Briançon – Courchevel

Première incursion dans les Alpes du Nord !

Ma première vraie grosse distance libre vers le nord, partagée avec Fred Nabet.

http://parapente.ffvl.fr/cfd/liste/2008/vol/20083072

Préparatifs…

On se retrouve la veille au soir avec JPT et Bruno autour d’un bon repas à Saint-André, puis c’est le lendemain matin sur le parking du terrain d’atterrissage que nous sommes rejoints par Parapentor, Lolo De Sospel, Rom, Gilles de Gourdon et des pilotes d’Embrun (Christophe & co) et de Gap (Fred). On s’organise pour monter. Sur le trajet, avec JPT, nous sommes particulièrement affairés à questionner Christophe que l’on a kidnappé dans notre navette pour qu’il nous livre tous les secrets du passage clef de Dormillouse vers Grenoble.

Ensuite chacun se prépare tranquillement dans une ambiance sympathique. Je sais que ça va être une journée terrible et que je n’hésiterai pas à aller au Nord sans penser au retour. Les objectifs sont Grenoble ou Briançon selon la tendance, j’ai déjà étudié quelques vols réalisés sur ces itinéraires et je me suis posé à Embrun il y a 2 ans presque jour pour jour, aprés avoir renoncé à me battre dans la forte brise au Mont-Guillaume. Je reviens 2 ans plus tard avec beaucoup plus d’expérience pour la revanche…

Début de vol…

Parapentor décolle dans les premiers puis les décos s’enchaînent alors que l’aérologie monte doucement, doucement en puissance. JPT, mon meilleur allié pour la distance vers le Nord décolle et parle en radio de problèmes d’accélérateur.

Je décolle à mon tour et avance avec précaution vers les antennes, sans pour autant essayer de faire un plaf vu que personne n’est bien haut. Je raccroche un peu bas les pentes des antennes mais les appuis sont plutôt bons, pas de suée ici.

Ensuite on se retrouve à 5 puis 10 pilotes à essayer de prendre de l’altitude aux antennes. Ca décale et ça veut pas trop monter…. J’arrive à prendre un ascenseur un peu au Nord qui me décale bigrement vers l’Est, je monte plus vite que la grappe qui prend péniblement le thermique plus conventionnel, en plus je dérive à peu prés dans la bonne direction.

Suite à cela, je survole la crête de Lambruisse sans rencontrer d’ascendance et je me retrouve avec Rom et Christophe à son extrémité Nord, au dessus d’une face minérale orientée Sud-Ouest. Nous peinons pour monter sans nous faire trop décaler vers l’Est. J’envie Christophe et sa Boom, à chaque portion où il remonte au vent on sent une sacrée pénétration de sa machine. Finalement une fois à une hauteur raisonnable (+ de 2500) je décide de passer par Cheval Blanc.

Ce que j’aime bien dans le coin est qu’il n’y a pas trop de verrou à passer, de thermique obligatoire et qu’on arrive plus vite en Pays de Bléone où ça laisse du gaz pour faire se refaire, même bas, avec des appuis en brise. Bon c’est aussi une question d’habitude… et surtout, je l’avoue, je ne me lasse pas du paysage verdoyant sur presque 360° coincé entre Sud de Carton, Est de Boule et Nord de Cheval Blanc!!!

Durant la transition vers ce Cheval Blanc, je vois JPT se poser au pied de Lambruisse… je suis vraiment peiné, car c’est avec lui qu’on s’est préparé à la distance libre vers le Nord… Enfin tant pis… ça me motive pour être à la hauteur et faire aussi bien que ce qu’il aurait fait.

Bon bien sûr pour l’instant il faut déjà arriver au Cheval Blanc! Ma vitesse et mon taux de chute se dégradent critiquement durant la transition et quand j’arrive au relief je comprends que je suis particulièrement contré et sous le vent. J’avance et tenant mon aile du mieux que je peux et quand le relief s’oriente plus à l’Ouest puis au Nord- Ouest ça devient bien plus sain. A hauteur de crête je vise le milieu de Carton et à michemin je trouve le thermique du cirque. Il est aujourd’hui un peu faiblard mais comme des fois il se montre très capricieux, ce n’est pas plus mal. En tout cas, il me permet de monter en contemplant encore une fois mon paysage hallucinant sur 360° : un plaisir d’enrouler !!!

J’entends à la radio en enroulant Rom annoncer 3200 sur Côte Longue, finalement je fais plus de 2500 sur Carton et me retrouve en avance sur lui. Au loin on devine l’homme silencieux du jour sur le Tromas, l’impressionnant Parapentor sous une Aspen 2 XXL avec une autre aile pas loin. Depuis le début du vol, il ne répond à aucun de nos appels, le deviner au loin calme un petit soucis qui émergeait doucement dans un coin de ma tête.

Finalement je vais retrouver Parapentor et Fred de Gap à Dormillouse. Après avoir vu leur perte d’altitude en arrivant au fort je déroge à la règle de ne pas enrouler sur la Blanche et fait un petit 3000 de sécurité histoire d’arriver haut. Je reperds presque tout mais bon… Fin de l’acte 1 : nous voila donc avec Parapentor et Fred à Dormillouse, Romu n’est pas loin derrière, les autres copains Lolo Bruno et JPT sont présumés posés ou largués…

Cap sur Briançon !!!

Parapentor bien que muet ne laisse guère planer le doûte sur ses intentions, on connait le personnage !!! Cet homme sait multiplier par 1,2 et 1,4 de manière innée. Son cerveau est fait de points CFD !!! Ainsi Parapentor le muet engage illico presto un retour sur St-André, commencé au radada pour pas perdre de temps… et peut espérer enchaîner avec une Crête de Serres, soit un vol de plus de 120 km, oops pardon un vol d’environ 150 points. Puni par une panne de GPS, son vol ne lui rapportera que 99,9 points !

J’essaie de tenter Romu, son cerveau n’étant pas constitué de la même manière, pour un Morgon et une aventure vers Briançon , il me laisse entendre que oui mais en fait il s’avère que le fourbe se ravisera à mi-transition. Comme il y a encore une justice, Rom sera posé à Thorame au retour.

Bon me voila donc avec Fred qui connaît un peu le coin et qui est partant pour Briançon. On se doûte que derrière les pilotes d’Embrun poussent et sont également tentés… Il y aura probablement de la navette possible…

3900 au Morgon, je transite vers Le Méale, crête au Sud d’Embrun. Je suis invité à passer à la suivante par Fred qui me rejoint. Nous nous retrouvons à proximité immédiate pour la première fois. Il a une vieille sellette grise dans laquelle il se balance avec fluidité, ses trajectoires sont propres, il attend toujours que je me jette en premier, il prend toujours plus de gaz, il parle volontiers à la radio…. : ça sent le pilote expérimenté, compétiteur…

Donc on fait du saute mouton dans la brise de crête en crête direction Mont-Dauphin. Là c’est impressionnant, une transition à Mach 2… On connait la puissance de la brise au niveau du sol… Par sécurité j’enroule au dessus du Rocher du Mont Dauphin en me laissant décaller et je raccroche les pentes juste au dessus des champs. C’est aussi simplissime qu’à Organya, ça monte partout en dynamique.

Il faut maintenant tourner plein Nord vers l’Argentière.

Fred enroule maintenant au dessus du Mont Dauphin et est rejoint par Christophe, qui était sensé faire l’AR Dormillouse pour ramener la voiture de leur équipe à Embrun. Fred : “Mais qu’est ce que tu fous là!!! T’as laché tes potes alors tu devais ramener leur voiture !!!” Un peu d’humour mais un effet maximum chez moi : je suis mort de rire, un fou-rire de 2-3 minutes !!! J’ai pas entendu de réponse de Christophe, j’espère qu’il ne l’a pas mal pris !

Donc les 2 gars font le plaf et pour ma part je décide de rester bas et de jouer encore à saute mouton de crête en crête aidé la par la forte brise. Outre le fait de ne pas se faire démonter par les thermiques en altitude qui rencontrent l’ouest, ça permet de profiter de la vitesse non négligeable de la brise et de son caractère laminaire.

Au niveau où la vallée se sépare en deux (Valouise vs Briançon), je déroule encore ma partition apprise avec JPT : ne pas s’engager vers Briançon, changer de rive et remonter au Nord (Têtes d’Amont et des Lauzières).

Fred me dit que le coin est connu pour être un malsain, mais je le sens plutôt bien orienté, et on arrivera pas au ras des paquerettes non plus. Une fois arrivé, après une hésitation je constate les véléités de mon aile à reculer légèrement ou à faire du surplace au dessus de la petite falaise. Avec cette vitesse de brise et un relief pas très compact avec des cassures c’est normal que ça bouge. Finalement je m’engage un petit peu à l’Est dans des éboulis au pied d’une énorme falaise de centaines de mètres (Tête d’Amont) et trouve le thermique pour m’extraire de ce coin. Il est “viril mais correct” mais le problème est qu’on n’est pas à 1000m au dessus d’une plaine… Comme dirai un grimpeur : “faut pas se mettre une boîte ici” : en remontant le long de la face, il ne faut surtout pas laisser à son aile la moindre liberté parceque secours ou pas secours, ça finirait sur la face minérale et compacte (puis ratatiné par terre!). C’est donc en 360 très très serrés que j’enroule. Plus je monte plus je me sens apaisé… Fred me suit.

Le spectacle commence vraiment maintenant. Cap sur le Mont-Blanc !!!

Pelvoux, barre des Ecrins.,. On refait plus de 3000 et on est à portée de ces montagnes mythiques, on voit les glaciers. C’est super beau. On voit aussi le Mont- Blanc, les montagnes Italiennes etc. Ce n’est toutefois pas l’heure d’en prendre plein les yeux car on est quand même bien chahutés, probablement sous le vent des plus hauts sommets du massif.

Un seul itinéraire s’impose, le Mont-Blanc !!! Avec Fred on est sur la même longueur d’onde : aller le plus loin possible en sa direction. Nous transitons donc vers le Nord-Est, moi au niveau de Serre-Chevalier et lui quelques kilomètres plus au Nord. Nous nous retrouvons instinctivement au thermique qui nous donne la possibilité de changer de vallée (sur les crêtes entre Montagne du Vallon et Grand Aréa).

Transition au niveau de Lacha : je n’arrive pas super haut mais je retrouve le thermique super agréable, le tout dans un cadre magnifique et fort peu urbanisé. C’est sur cette montagne de Challange que tout se joue et qu’on arrive à faire un plein (à bien plus de 3000 bien-sûr) qui nous permet de quitter les Alpes du Sud pour rejoindre les Alpes du Nord et la vallée de la Maurienne… Le Mont-Blanc se rapproche doucement… en tout cas on ne peut l’ignorer tellement il domine l’horizon.

Sur cette transition, on fait peut-être l’erreur ultime. Un gros nuage à la base noire nous invitait sur une trajectoire Mont-Thabor > Modane, et d’autres lui succédaient sur la même rue. Il n’était pas plus haut que large, aucun nuage dans le ciel ne surdéveloppait… Bref, fréquentable! Pour rester sur le cap Mont-Blanc, on préfére longer la ligne de crêtes Thabor> Pointe de la Sandoneire. On ne le saura jamais mais je pense qu’on aurait gagné pas mal de temps pompés par le noir sur des kilomètres… (on peut voir les rues sur les photos)

Je reste donc en bordure en jouant un peu l’aspiration mais en gardant surtout ma trajectoire décidée par rapport au sol.

Fred fait pire que moi : il chemine au relief dans les pentes vraiment peu inclinées…. Il est certes au soleil mais ça ne semble pas lui réussir. Ne te poses pas à par ici à 2500 car tu risques de marcher marcher marcher…

Je transite en franchissant la Maurienne au niveau de Francoz. Fred se refera et transitera en traversant la vallée plus à l’Ouest. Du coup en 2 décisions, je prends une avance définitive : la distance nous rendra moins coopératifs et efficaces sur les difficultés suivantes. Dommage.

Pendant la transition je prends mon téléphone et mitraille de photos.

Traversée de la Maurienne Barre des Ecrins Mont Blanc

Je remonte plutôt facilement jusqu’à la pointe du Bouchet (3300+) et refais un beau gain à + de 3500 qui m’offre Val Thorens, ses hautes crêtes (Aiguille de Peclet, Mont et Aiguille du Borgne) où je refais un ultime plein. L’ombre commence à gagner, les vallées sont moins bien orientées, les thermiques perdent de leur vigueur… En tout cas le spectacle est énorme : survol de glaciers, Mont-Blanc qui se rapproche…

J’arrive sur Bozel ou je vois des parapentes en contrebas. S’ils savaient que je viens de St-André !!! Je tape au soleil (Pointe de la Vuzelle, sous le Grand-Bec, magnifique) mais plus rien ne marche. Ca souffle encore vers la cascade mais je suis un peu trop bas… Je me reconcentre pour poser au mieux et termine le vol. Les nuages au dessus des hauts reliefs me laissent un peu d’amertume, je me prends mon manque d’expérience en pleine tête. D’ailleurs Fred arrive 20 minutes plus tard bien plus haut sur la face au soleil, il va faire le plein et aller plus loin… Non. Ca ne monte plus pour lui non plus. Il finit par me rejoindre.

Il aurait fallu être super rigoureux et rester méga haut en jouant la carte des nuages sur cette fin de vol. Posé à 7h23, un mélange de plénitude, de regrets et aussi la certitude de pouvoir voler plus vite, de pouvoir partir de plus loin (Col de Bleine) et de pouvoir arriver encore plus près du Mont-Blanc (Bourg-Saint-Maurice).

Fred se pose à côté de moi et on partage immédiatement notre joie. On se pose des questions, on se refait le vol. Il est un peu marqué, liquide (moins alimenté, hydraté et confort en vol), mais ces yeux brillent autant que les miens.

La récup’

1 bonne heure de stop pour rejoindre Albertville où le Saint Thierry d’Allevard (Chauviré) vient nous chercher, puis nous nourrir, nous loger et nous amène à Grenoble le lendemain matin. Nous y prendrons le train pour Gap où Eric (Michel) (www.parapente-controle.com) nous aménera à St-Vincent-les-Forts pour stopper vers St-André. Là après une heure, où l’on commence à désespérer arrivent d’autres Saints : des jeunes et sympas Parisiens en voiture de location qui vont à… Nice! Une bonne leçon de stop !!! Quand on se retrouve à faire du stop dans la Bléone sans jamais s’y être posé il est normal que le Dieu de l’auto-stop soit clément! Merci à tous !

Autres remerciements Fred (Nabet) : c’est vraiment sympa de partager ce vol marathon et découverte à 2. Rien que le fait d’être en radio avec quelqu’un est rassurant, mais là, c’était bien plus que cela : nous nous sommes vraiment beaucoup aidés mutuellement grâce à notre rythme similaire et notre complémentarité. Dire qu’on s’est rencontré le matin même et que l’on a parlé 5 minutes sur l’atterro! Un bien beau souvenir partagé.

Ensuite le remerciement va à tous les pilotes avec qui je vole et dont les succès et les erreurs nourrissent mon expérience. Merci particulier à Jean Paul (Tixeront) car, en plus de m’inspirer par sa régularité, sa ténacité et son talent, c’est lui qui m’a mis ce vol dans la tête! Nul doûte qu’il fera au moins aussi loin. J’espère être de la partie ce jour là ! Les photos Les photos ont été prises durant la transition au dessus de la vallée de la Maurienne.