Catégorie : Tourrettes-sur-Loup
TSL – Colmiane – Férion – Gréo-les-neiges
https://parapente.ffvl.fr/cfd/liste/vol/20310202
Cela fait un petit moment que je n’avais pas crossé dans les montagnes et les grosses vallées du 06, une éternité même. Toujours une bonne excuse pour éviter de m’y coller.
Aujourd’hui, ce n’est plus possible. La lassitude me gagne depuis trop longtemps à faire toujours quasiment pareil : je dois remettre mes gants de boxe et aller m’y coller !
Comme du vent d’ouest est finalement annoncé et que l’instabilité permettra un décollage du bas assez tôt, je décide de temporiser et de partir de ce petit déco du bas vers 11h30. Cela me permet de faire d’emblée un trait sur la tentation de faire une distance honorable. Reste juste une grosse motivation pour me faire plaisir et ça veut dire : aller dans la montagne !
Une fois au déco je m’aperçois que j’ai oublié ma paire de lunettes pour le soir et mon portefeuille. Aïe, ça limite un peu l’esprit aventurier, enfin on verra. J’ai mon téléphone c’est déjà pas si mal.
Décollage RAS
Je dois aller jusqu’à Courmettes pour monter convenablement, la dérive est franchement SUD. C’est parti pour Gréo, je ne sais pas trop ce que je vais faire encore pour aller dans les massifs : Roquesteron, Brianconnet… Je commence à sortir au large du 700 et je vois une Ozone bleue, jaune et grise qui arrive probablement de Gourdon, je temporise un peu au sommet du Cheiron en me disant que ça pourrait être Benoît ou Arthur.
Il y a des beaux nuages au nord de Coursegoules, je vais voir si je peux y accéder. Mon application à enrouler au dessus des crêtes, fait que l’Ozone me rattrape presque. Je m’engage au nord. Il n’a pas l’air joueur 😉
Superbe ! C’est actif assez longtemps au nord et malgré le fait d’avoir arrêté d’enrouler assez tôt, je peine à rester sous les 2000.
Il fallait bien ça pour arriver à Toudon direct, ce n’est pas rien comme transition !
A Toudon c’est mollasson. Il y a un superbe nuage au dessus de moi mais, j’imagine qu’il faudrait aller le chercher à assez loin à l’ouest. Je bricole avec ce que j’ai, c’est assez satisfaisant même si effectivement ça ne me mène pas au nuage. J’ai assez pour traverser, c’est l’essentiel. Go !
Toujours impressionnant de s’engager la dedans, c’est très accidenté. Un bordel avec de la brise massive. Il y a les derniers champs de la Tinée à cet endroit, ça rassure. Après c’est du suicide jusqu’à Isola Village.
J’arrive un peu sous le sommet et je bricole face à la trajectoire de la brise. En fait ça décale un peu bizarrement et c’est davantage sud que Sud-Est (flux).
C’est vraiment de plus en plus fort, je me fais violence de toute façon c’est pas vraiment le plan de me jeter dans les basses couches de la Tinée sans appuis. La dérive tourne franchement Ouest, c’est la guerre. Je me fais de plus en plus violence dans le thermique, dès que je quitte la bonne accroche face au vent dans le gros vario, la branche vent de cul est déroutante ou plutôt effrayante : tout se ramolit, l’aile prenant de la vitesse à plat en me centrifugeant.
S’en est trop, c’est de pire en pire et j’ai assez pour taper Marie. Je me sentirai mieux sur les faces exposées au vent météo. Apprécions la transition:
.
J’arrive au dessus de Marie et je bricole la ligne HT, pas évident entre les thermiques faiblards, la brise de la vallée adjacente et le vent météo qui s’immisce un peu. Passé cette couche un peu difficile, tout devient puissant avec ce vent méteo frais. J’essaie de faire 2-3 tours de plus car je sais que le chemin vers le Caire Gros sera infect. La première fois que j’avais fait cette section, ça avait été similaire.
Caire Gros, les ombres des nuages défilent assez vite, je pourrais aller faire un point à la Balme ou au Giraud, mais bon… J’essaie d’éviter la tentation que constitue le coeur du massif. C’est vraiment une torture car comme souvent c’est moins venté qu’aux alentours, les ombres des nuages y sont bien moins mobiles.
Bref, on va essayer de voler en bon citoyen, proprement.
3000 en bordure de TMA…. rhhhhhhhhh
Il en manque un peu (de l’altitude, de la proximité ou de la folie) pour innover et tenter un génialissime Toudon direct.
Je longe donc vers l’est et j’arrive à Peïra Cava. L’air est très trouble, comme s’il y avait une grosse couche d’inversion, pourtant 2-3 nuages bien hauts émergent ci est là au Férion, à Peille…
Avec l’Ouest et cette possibilité de stabilité, je doute vraiment de l’itinéraire, d’autant plus qu’à Peira Cava je dois me battre.
Je bricole dans du thermique fort et compliqué, puis je pousse le barreau. Au col (st roch ?) j’arrive à refaire 2000, mais ça n’avance pas et je crains vraiment l’arrivée au Férion, si déjà j’y arrive.
Cet endroit est un des plus impressionnants. C’est très minéral, il y a des pentes, des lignes, des arbres, de l’air qui vient de la côte, mais aussi de la vésubie par certaines zones. On doit taper le Férion, entravé par une ligne. Finalement ça m’a toujours réussi jusqu’à présent. Enfin j’ai fait un départ en vrille au dessus de la ligne une fois au vent sur la face Sud Est de Férion un jour très stable.
Aujourd’hui, ça y ressemble, avec l’Ouest menaçant qui dérive bien le nuage du Férion en plus. Je retrouve un truc en route puis je dégaine aussi le 2ème barreau, avec quelques problèmes de symétrie, je ne suis pas encore habitué à mon aile mais il a le mérite de clarifier assez vite les situations.
Mais une fois au dessus de l’espèce de col, je m’applique et je trouve au dessus des lignes de quoi reprendre du gaz. J’enroule et j’accepte la dérive sud, puis ouest. Je quitte un peu trop tot le thermique en pensant retrouver davantage devant puis finalement je dois me lancer dans une transition vers le Vial un peu moins haut que j’aurais pu.
Par contre je connais un peu et je ne fais pas de laisse de chien par Bonson : direct dans les pentes.
Là c’est un peu la psychose de revivre ce qu’il m’était arriver la dernière fois : une stabilité monstre qui m’avait contrait en guise de capitulation à me jeter dans l’Esteron.
Ca prend un peu la même tournure, mais je me jette à 150-200m sous les sommets dans les face ouest. Je prends le flux de la brise et je dois marcher sur des oeufs pour bricoler. J’arrive à Toudon, ça ne monte pas des masses et la brise m’emporte.
Il n’y a pas de nuage avant Ascros. Pour moi c’est là que commence la zone de confluence entre cette énorme brise de Mer et les brises et le meteo d’ouest. C’est bien actif par ici, avec une dérive vers le Nord (souvent ici). Je joue le jeu et chaque branche vers le nord j’ai l’impression d’être en milieu de vallée à l’aplomb du Var.
Ensuite il faut traverser une zone sans relief (col ???) en temporisant pour gérer l’ombre. Je suis bien contré.
Finalement j’arrive à traverser puis à m’extraire. Magnifique vue vers le Nord.
Je touche la dérive ouest qui me mène presque au nuage. Il y a un nuage sur la trajectoire de Greo-les-Neiges. J’avoue qu’avec mes 2500 je tente ce pari plutôt que l’itinéraire classique m’amenant à Briançonnet dans des conditions d’ouest. J’ai peur de ne pas pouvoir me mettre au vent, un peu comme ce qui m’étais arrivé sur un retour de Dormillouse à Bleine récent : dans l’impossibilité de me mettre au vent à Briançonnet, j’avais dû partir avec le vent sur les faces Nord Ouest au Sud de Gars pour trouver la zone exploitable.
Bingo, ça marche plutôt bien, je ne perd pas grand chose, ça bipote quasiment tout le long même si je n’arrive pas à enrouler.
Un nuage au dessus du Mas m’invite, mais j’imagine sa trajectoire lointaine, et je n’ai pas envie de perdre ma chance pour Gréo les Neiges, synonyme de délivrance par rapport à la récup. A quelques kilomètres près c’est même le jour et la nuit. Je ne l’ai pas mentionné mais ça me trote dans la tête depuis le début cette histoire de portefeuille et de lunettes 😉
Posé bien content de moi au dessus de la table d’orientation dans un énorme flux d’ouest. Ce sera encore pour une autre fois le bouclage, mais sur ce genre de vols je m’en contrefiche. J’enchaine avec un bon stop puis je rencontre les copains à Gréo.
Merci à Christian Butcher pour la récup !
Test de la Flow Xc Racer dans notre petit bocal préalpin
J’ai eu la chance de pouvoir faire quelques vols avec la XCRacer S de Flow, une voile et une marque que je surveille depuis longtemps avec de bons retours dans le monde entier. Vincent Labro, travaillant pour le distributeur en France Scorpio, m’a confié une aile absolument neuve, elle est fournie avec sac spacieux et léger, chaussette-bag de qualité et pas trop lourd… J’ai bien eu le temps de baver devant avant de pouvoir profiter de belles conditions, mais finalement j’ai fait un Gourdon Saint-Jeannet AR et un petit tour de mon massif au départ de TSL (Courmettes > Greo Coursegoules > Baou de la Gaude en venant de la Cagne > TSL).
Rien de bien folichon, mais sur le dernier vol il faisait vraiment trop froid et mon ambition de m’aventurer dans l’Estéron pour aller à Roquebrune s’est éteinte assez vite.
Alors, la Flow XC Racer ? C’est une aile de la classe des 2 lignes EN D avec la Zeno, la Leopard etc…Les matériaux et la construction de la Flow sont ceux éprouvés pour ce type d’aile : des tissus plutôt légers, des suspentes en aramide dégainées et des renforts semi-rigides en quantité.J’ai testé la taille S 75-95 à 95, voire un peu davantage (ce n’est pas sérieux mais je n’ai pas de balance) EDIT c’est dingue mais en fait, je suis plutôt à 102 de PTV 🙂
L’aile est légère et compacte au gonflage. Moi qui ne suis pas très rigoureux sur la mise en place, j’apprécie l’homogénéité de la machine quand elle se dresse, sans point dur. Depuis une demi-aile, une corolle, ou avec une montée mal engagée à cause d’une aérologie moisie, elle finit facilement propre au dessus de la tête. Elle se temporise facilement et n’arrache pas (attention, je n’ai pas décollé dans 20kmh non plus) .
1er Vol
J’ai donc fait un premier vol de Tourrettes-sur-Loup à Courmettes, dans la stabilité et avec du vent assez fort de Nord-Ouest au dessus. J’étais vraiment sur mes gardes : nouvelle aile + aérologie très piègeuse = ne pas faire le malin.
Difficile à l’issue de ce vol de faire la part des choses entre l’aérologie bumpy et une aile que je n’ai jamais eu en mains. J’étais quand même bien content d’avoir pu exploiter un thermique étroit assez bas au dessus de l’ancienne gare alors que ça commençait à franchement sentir le tas. C’était également assez insolite d’avoir une petite machine bien compacte et bien chargée qui planait comme mon gun et perforait sans peine face au vent. J’avais oublié le plaisir que c’est de voler d’une aile maniable et joueuse depuis longtemps.
2èmevol
Ensuite j’ai fait un TSL – Gourdon – Saint-Jeannet dans des conditions pas trop mal avec un régime de NO moins fort. J’ai pu profiter durant tout le vol de maniabilité super excitante et les bonnes performances malgré ma charge alaire au top de la fourchette. Question repères en finesse, j’ai à peu près les mêmes qu’avec ma ZENO MS. J’ai pu comparer quelques instant en suivant une Léopard plus grande et c’était grosso-modo pareil (bien sûr il faut toujours relativiser ce genre de mesures).
3èmevol
Aujourd’hui, je suis parti pour un vol en conditions hivernales. Le voile du matin était dissuasif mais finalement en voyant des vrais rayons entrer dans la maison vers 10h30 j’y suis allé !
Je décolle du déco du bas et exploite immédiatement un thermique sans le lâcher, ça sent vraiment la belle journée. Il y a une tendance O pour ne pas changer, assez marquée.
Je survole le déco de l’arbre et j’enroule un peu avant de me faire complétement éjecter par le vent qui passe au col entre le puy de Courmettes et celui de Tourrettes. Je n’insiste pas, je me suis rarement fait éclater par le vent d’Ouest comme cela. Je vais poursuivre et voler plus bas, au ras des forêts. Il faut bourriner au barreau pour passer la maison de la guérisseuse : facile ! Le barreau est super léger et agréable , la prise en main des B avec les poignées en bois est classique. L’aile ne tangue pas trop, les turbulences me bougeottent en roulis, c’est pour moi choses classique avec ce type d’ailes. Mon réglage au premier barreau est grosso-modo 2 tiers de la course, là j’allège ici un peu, mettons que je sois à 50 pourcent. L’aile ne dégrade pas, c’est du solide.
Cheminement sous le vent pour arriver sous les barres de Courmettes par l’est. Cette section était bien sous le vent mais comme c’était instable j’ai eu quelques petites pichenettes propices à ma finesse. On ne sait jamais à quel point ça va être l’enfer donc il faut être à 100% dans ces sections, mais l’aile bien compacte et rassurante dans ces conditions a fait des merveilles : sans enrouler, j’ai bien modulé mon allure et incurvé mes trajectoires pour profiter de ce qui montait, avec une marge en rayon de virage et en énergie.
Une fois dans le flux, les barres me montent, la Flow perfore vraiment bien contre le vent avec mon premier barreau bien calé. C’est impressionnant, j’ai une bonne surprise à ce régime. J’arrive au dessus des lacets et le thermique me propulse à 1600, je pensais me rapprocher davantage des nuages qui devaient être à 2.000 mais non. Il fait méga froid et j’ai un doigt dur comme du bois. Ceci explique peut-être cela. Ca ira bien.
Je glide pas trop mal au début puis c’est quand même pas génial, rien à voir avec l’aile, mais j’ai des vitesses assez faibles et rien n’est vraiment enroulable. Au dessus des 2 lignes THT je suis même un peu… contré😞
Finalement je dois passer sous les crêtes au niveau des dernière falaises au dessus du Foulon. J’ai moyennement confiance aux pentes du rond-point de Gréo, il n’y a personne en l’air et c’est à l’ombre depuis un petit moment contrairement aux falaises où je suis.
Je m’applique alors à bricoler dans les dernières barres, je commence à être en confiance avec la petite machine ! La brise faible et la XCRacer me permettent d’enrouler et de me replacer au vent. Super ! J’arrive à m’extraire d’ici. C’est la première fois que je fais ça, jusqu’à 1600 ! Je me prends à envisager une trajectoire direct vers le mouton d’Anou par les petites collines de Saint Barnabé. Puis finalement, là encore je perds le truc. Il faut dire que c’est bien instable mais les thermiques sont loin d’être forts, c’est quand même un peu trop mou à mon goût.
Je dois donc connecter le Cheiron, fraichement réenneigé en face sud. Je vais direct au falaises qui sont dans les pentes avant le col. Bof bof, c’est pas super puissant, c’est soumis à l’ouest donc ça décale à max en léchant les reliefs sans donner d’appuis. Comme je suis relativement bas, je dois enrouler en décalant avec des tours face reliefs. C’est des séquences qui reviennent souvent dans les vols difficiles, comme je suis toujours très concentré, je m’en souviens bien. J’ai appris avec l’expérience à lâcher l’affaire, à me méfier en remontant au vent et à perdre l’ascendance en virant face pente. Bref, la XC Racer est excellente dans l’exercice : elle permet de faire du chirurgical et de rester davantage dans la bonne partie, j’ai l’impression d’avoir un scalpel affûté par Hannibal Lecter en personne.
Encore perdu le truc ! Je vais sur les barres mais ça ne monte pas beaucoup, je rêvais de faire un bon 2000, peu importe le froid, pour taper Gilette au soleil mais non. Du coup j’ai beau enrouler tout ce que je peux en me laissant décaler avec le vent, ce sera 1700 à Coursegoules. Au sud tout est à l’ombre sauf le mouton d’Anou et toute la rive gauche du var. Je vais quand même voir ce l’aile à dans le ventre, et de mon coté j’ai envie de me mettre aussi un peu stress : cap vers St Jeannet. Les faces sud ne donnent rien, mon altitude fond comme peau de chagrin, ça contre beaucoup en Sud. J’enfonce mon barreau et j’ai difficilement 30 kmh.
Ca sent pas bon, je soupçonne qu’en bas malgré l’ombre ce sera une bonne brise bien grasse. Je crain de devoir prendre la crête de la ruine, synonyme d’engagement, mais j’arrive finalement encore assez haut et peu enrouler sur la crête d’après. Encore une fois je m’accroche et me prend à rêver du nuage, mais non. Tout est à l’ombre ici. J’ai fait dans cette section un fullbar, ça dégrade certes, mais c’est super solide pour le coup (ceci dit c’était pas super turbulent).
Ensuite j’essaie pendant 20 minutes de monter dans l’ombre pour transiter vers Roquebrune mais je n’arrive pas à faire l’altitude requise. Je pourrais patienter encore car il semble que le ciel pourrait se dégager mais finalement, avec le couvre-feu et l’incertitude météo, je préfère rentrer tranquillement.
J’ai beaucoup de plaisir à évoluer de Saint-Jeannet à Tourrettes en jouant avec l’aile, puis je me pose.
Conclusion
Une belle machine qui n’a rien à envier à la Zeno, avec un petit côté ludique assez séducteur. EDIT j’ai craqué j’en ai acheté une 🙂
TSL-Gourdon-Baou de la Gaude sans un virage
2019-09-11 , TSL-Gourdon-Baou de la Gaude sans un virage
La veille : une idée
C’est difficile en ce moment de prendre toute ma journée pour faire du parapente et du coup je fais des petits vols d’après-midi. Des petits AR Gréo pas toujours simples ou des Gourdon Saint-Jeannet vite fait bien fait.
Lors d’un retour de Gourdon, j’optimise mes cheminements et mes trajectoires à Courmettes et je me retrouve assez haut à TSL sans avoir fait un virage depuis Cavillore. Je ne suis pas satellisé non plus, mais à hauteur du Naouri, je suis assez content de moi. Je commence à bien connaître le coin. Me vient alors l’idée de continuer sans un virage jusqu’au Baou de la Gaude. Finalement j’y arriverai et je devrai me poser à la gare de Tourrettes au retour à ce jeu du vol sans virage. J’ai adoré ! C’est comme un drogue, on se colle l’ivresse d’une fuite en avant imposée. Il faut commencer à se déconditionner de tous ses réflexes, c’est vraiment déroutant. On cogite tout le temps sur les trajectoires, la vitesse, on est en anticipation permanente, un style radicalement différent. Bref, je recommande !
Avant j’avais comme tout le monde fait de belles sections sans faire de virage, lors de cross à la faveur de belles conditions. Je me souviens d’un mythique glide Barcelonnette-Colmiane et d’un Arpille-Gourdon, par exemple. Mais en imposant la règle, c’est tout autre chose ! Rien à voir avec ce genre de séquences opportunistes, même si je leur dois un peu d’expérience en la matière et peut-être l’idée-même du vol sans virage. Non, là j’affirme le challenge d’entrée.
Ce sera tout droit où ce ne sera pas !
Le challenge
Le lendemain je suis encore dans l’euphorie et je super motivé pour un TSL-Gourdon-Baou de la Gaude-TSL sans enrouler. Pour une fois, je ne vais pas avoir à rêver des mois ou même des années avant d’avoir l’opportunité de passer à l’action. Mon plan est de monter au Naouri à pied et de commencer par un enchaînement des gros et puissants thermiques des faces Est jusqu’à Courmettes pour ensuite aller faire demi-tour à proximité de Gourdon et refaire ce que j’ai fait la veille.
Finalement je suis un peu fatigué et la perspective de monter à pieds au Naouri en plein aprem’ me dissuade un peu. Je décide de me faire l’accès au Naouri en vol. Après tout, je fixe les règles.
Après quelques tours de thermiques depuis le déco du bas, me voila au large du Naouri et le challenge commence.
Je passe sous le déco de l’arbre et j’enchaîne les traversées de thermiques sans être trop contré par la brise. Première décision stratégique, je décide de rester sur une trajectoire qui contournera le plateau ce Courmettes par le Sud pour rester dans les gros thermiques qui déclenchent devant et prendre à max d’altitude avant de traverser le Loup pour Gourdon. C’est bien costaud et inconfortables de traverser thermiques sur thermiques, l’équivalent de ce qu’on peut vivre sur la crête de la Blanche dès fois. Mais ça vaut le coup, je suis très content de monter à quasiment 1500.
J’arrive à Gourdon assez haut, j’attends de voir les faces Ouest des maisons du villages et je fais demi tour. Je pensais que j’avais pas mal de marge et finalement je dois jouer avec l’accélérateur à fond pour raccrocher Courmettes. J’arrive 30-50m sous le plateau, ce qui ne m’arrange guère car ça va sensiblement limiter les gains d’altitude possibles à cet endroit. Effectivement, c’est assez médiocre. J’arrive à me placer correctement au dessus de la piste, sous l’arrête Sud-Est du pic Courmettes mais je ne vais pas pouvoir prendre toute l’altitude que j’aurais du pour prétendre longer les faces Est et enchaîner avec le Naouri. Je ne vais quand même pas m’avouer vaincu, j’ai découvert la veille un sacré thermique dans le vallon qui est à l’ouest du déco : j’y fonce et je le découvre large à souhait ! Yesss. Lorsque j’arrive au dessus du déco, je suis à hauteur du Naouri.
La tendance est plus Est que la veille, ça m’a bien déjé bien coûté au retour de Gourdon, mais ça devrait le faire, de toute façon je suis pris dans mon truc il faut continuer. Je commence à bien maîtriser cette séquence pour surfer au mieux entre la butte à Serge et Saint-Jeannet. Cela passe sans que j’ai pu prendre beaucoup, mais le job est fait.
Il ne faut pas paniquer avant de se lancer vers le Baou des Blancs et la large zone ascendante tarde un peu à venir. Elle permet d’arriver sans avoir à gratter et de ramasser tout ce qui traîne, du coup ça permet de passer la ligne sans stress..
Lorsque j’arrive à Saint-Jeannet, assez bas, j’arrive à bien négocier le Village et je raccroche finalement pas loin du sommet le Baou de la Gaude. La veille j’étais arrivé plus bas et j’avais pris 200m là bas. Et là c’est…. la grosse déprime : que dalle à l’aller. Tellement que dalle que j’hésite à faire demi tour sur le mamelon qui a normalement un super thermique. Le problème c’est que ça contrera beaucoup pour en revenir. Je fais donc demi tour où je l’avais prévu et rien n’a changé, je pars à peine plus haut que le sommet… Je suis dégoûté. En fait, c’est très bizarre émotionnellement, j’ai toutes mes habitudes de crossman qui me dictent mes émotions , je sais que partir si bas se paie à un moment et que ce n’est pas une super décision. J’en ai vu des rookies faire des conneries 😉 C’est difficile de se dire que c’est juste le jeu qui continue.
Mais du coup je suis même pas à hauteur du Baou de Saint-Jeannet…. c’est encore loin TSL 😉
Je décide de passer au large par le village où ça a bien porté à l’aller. J’arrive à trouver une superbe et longue ligne positive très au sud, un bip lent et interminable qui me réconforte, me donne de l’espoir et enfin des certitudes : la question de raccrocher le Baou des noirs est réglée. Yesssssssssssss. C’est bon ça !!! Mais à peine arrivé il faut gérer la ligne et se résigner a faire un contournement 😉
Et là, c’est encore le jeu, mais c’est émotionnellement difficile : c’est à l’ombre à partir de la seconde moitié du Baou des Blancs, un bon voile très épais. Je suis dégoûté, mais c’est la vie, me dis-je. Avec Vence en dessous, c’est pas le super lieu pour finir de jouer à « je vais tout droit ». Le Baou de Blancs ne donne quasi-rien, j’en viens même à me poser la question de savoir si je ne fais pas une connerie bien débile en continuant… je me promets de ne pas me faire mal si ça commence à sombrer et goooooo !!! Finalement comme prévu j’arrive à la butte à Serge assez bas. C’est le dilemme entre aller chercher directement le thermique au large ou faire un détour en scotchant les reliefs. Je décide de scotcher la forêt, pas mal au début, mais ensuite c’est pas la folie. Pas de quoi être tranquille pour la suite.
Je pars plus bas que la veille, toujours dans l’ombre. Vais-je réussir à faire une fuite en avant comme la veille jusqu’à la gare ? Ca me parait compliqué.
Finalement, le petit miracle se produit et je remonte franchement. Yess je raccroche les barres et il me reste à me concentrer pour faire un one-shot à l’atterro, pour la beauté de la trace ;).
TSL – Esteron – Clans – Colmiane – St-Honorat – Bleine – Greo
Le 29 avril 2019
https://www.xcontest.org/world/fr/vols/details:pascamax/30.04.2019/08:20
En général j’ai un peu de mal à accepter les vols que j’ai vécu comme des échecs et c’est le cas ici. Ceci dit, le parcours et le combat était épiques. Reste quand même la satisfaction d’être sorti de pas mal de pièges.
La veille : une journée marginale avec beaucoup de vent de Nord-Est et des plafs hallucinants, je fais 3300 depuis le thermique de Bleine. J’ai les doigts congélés en 5 minutes. Je devrai ensuite centrifuger mes bras régulièrement. Dès que j’accélère, que j’enroule ou que je monte trop haut ils regèlent. Ejecté par le Nord, je n’arriverai pas à rester sur la ligne qui mène au Vial et je dois me replier sur Sigale où je fais 2800 (c’est exceptionnel de faire plus de 1500 là bas). Je rentre direct à Fourneuby puis Bleine par une trajectoire directe insolite que je ne referai probablement jamais.
Le 29 avril 2019, je ne suis pas sensé voler, mais finalement la directrice de la crèche est ok pour prendre mon fils Aurélien 🙂 Je n’ai pas vraiment regardé les prévisions, j’irai voler sans trop me prendre la tête et je décollerai de chez moi à TSL, déco du bas.
Je décolle vers 10h30. Première difficulté, je sombre et dois me refaire sous les maisons bulles, coté Est.
Ensuite ça marche pas mal et je me retrouve à Greo où je reçois le texto de Christine qui m’apprend qu’elle pourra aller chercher mon fils à 16h30. Si je l’avais su au niveau de Gourdon plutôt j’aurais pu partir pour faire de l’autoroute, mais bon je vais quand même tacher de me faire bien plaisir 😉
La journée est pas mal, il ne faut pas cracher dans la soupe, mais la masse d’air n’est plus magnifiquement instable comme la veille. C’est sur que le vent moins fort la rend davantage crossable mais la magie n’est pas au rendez-vous.
Je pars sur Roquesteron direct dans le coin où ça monte. Cela n’a jamais été aussi compliqué, la crête à l’est, la végétation, les brises, les bulles cycliques, le four à l’ouest… c’est exigeant comme d’habitude mais cette fois il faut vraiment tricoter avec précision. Je je dois rester zen et me positonner au grès des aléas, surtout il faut patienter sans enchaîner 2 mauvaises décisions de suite. S’il y avait un diplôme de parapentiste, je pense que je mettrais l’examen ici 😉
Ensuite avant d’arriver à Toudon je vois un planeur sous le nuage. Il me donne l’échelle, je pensais ne pas que le plaf était si haut. J’arrive à faire le nuage et mon planeur est déjà sur le Lauvet d’Ilonse. Je parie que c’est Laurence Viard 🙂
Je vais donc à mon tour dans cette direction pour atteindre la Colmiane. Vers Tournefort sous les nuages mais rien ne monte, l’ascendance doit être plus au Nord mais je continue ma trajectoire car j’ai assez de gaz pour transiter au dessus de Clans.
Je suis un peu embarrassé par une grosse ligne éléctrique mais ça monte bien, assez franchement, tout me semble prometteur. Je commence à me faire bien balancer en me rapprochant du nuage et j’estime que j’ai largement de quoi poursuivre et arriver avec confort à la Colmiane où je vois 2 ailes à 3000 environ. Je pensais faire une arrivée triomphale sur la Colmiane… mais c’est un fiasco complet. En fait dès que je pars, c’est une catastrophe. Je suis très sévèrement contré par du NE. Pour ne rien arranger, toute la partie sud de la Colmiane est à l’ombre.
Il n’y a même pas de confluence au pic et je commence imaginer possible que le vol finisse par un tas à 13 heures.
J’arrive quand-même à bricoler et je dois ressortir dans combe de la via- ferrata . Ensuite c’est très très mou, on est sous le vent… Je perds du temps pour pas grand choses à essayer vainement de plafer à Rimplas.
Au Lauvet d’Ilonse, c’est compliqué. De gros cisaillements entre le vent de Nord les brises. Celle de la Tinée mais surtout, aussi, à cet endroit celle qui vient des canyons.
Impossible de faire le plaf, ça m’aurait pourtant bien arrangé. Avant j’aurais pu trouver l’excuse de la jeunesse et de la précipitation mais là je n’y arrive simplement pas alors que je le souhaite vivement. J’en viens même à regretter de ne pas être parti sur les hauts reliefs au nord pour voler haut. Ceci dit à la Colmiane cette stratégie ne m’a pas beaucoup réussi.
Donc voilà : il va falloir faire des sauts de puce :
Premier saut vers « Les Clots ». Patienter, se faire décaller, se faire cisailler, encaisser des longues tâches d’ombre….
Traverser à l’arrache vers les falaises qui mènent à la Cime du Raton. Impressionnante cette traversée ! C’est pas super porteur et j’arrive plus bas que prévu, à à mi-falaises.
Je suis au dessus de la piste qui mène à la clue du Raton, c’est toujours magique comme ambiance.
Le doute prend fin très vite : ça remonte bien. Pas de scénario catastrophe ici il vaut mieux 😉
Enfin, tout ce stress aurait être évité si j’avais fait un nuage, c’est pénible. Là encore, je n’y arrive pas.
J’arrive à faire un honorable 2700 (de mémoire) qui va me permettre d’aller au Dome de Barrot.
En fait, je commence à me sentir relativement frustré : depuis la Colmiane, je n’arrive pas à faire des tours complets qui ne soit pas entrecoupés par le silence de mon vario : le ciel est magnifique et pourtant c’est mou mou mou. Mon enthousiasme pour un énorme tour du terrain de jeu se transforme en réalisme : je vole à la vitesse d’un papy, il y a du vent, les plafs sont trompeurs et ça va être compliqué de rentrer. Toute cette section aurait pu être reglée en 5 minutes si j’avais pu faire un nuage et au lieu de cela c’est d’un laborieux.
Le dome de Barrot est merdique et inenroulable comme d’habitude. L’heure tourne et je n’ai pas le temps de faire ça à l’arrache comme disent les jeunes. Malheureusement je n’ai pas trop le choix, rien n’est évident ici.
Sur la crête, la brise vient franchement et vigoureusement de Puget-Théniers plutôt que de la vallée du Haut-Var.
C’est une bonne nouvelle et cela me permet d’attaquer avec optimisme une crête transversale que l’on pourrait en première analyse redoûter d’être sous le vent. Le point négatif c’est qu’une fois dessus, ça décalle beaucoup. J’essaie une petit quart de heure de monter mais c’est trop compliqué et je dois me résoudre à traverser vers l’ouest sans gaz.
Donc super bas, à quelques centaines de mètres du fleuve, je vais taper une crête non pas sur son côté aval mais sur sa face latérale est, pile en face de la forte brise qui est supposée redescendre du col 500m plus haut. Je ne pourrais pas ne pas me reprocher de vouloir faire le malin, si cela ne marche pas. Mais je suis confiant car je connais ce phénomène.
Bipbipbip yes !
Cela monte en dynamique mais ce n’est pas pour autant que c’est devenu très bon. Je dois bricoler et composer avec une ombre massive et les reliefs, je perds encore un temps fou, mais finalement j’arrive à faire le nuage. Me voilà donc au sud du Saint-Honorat donc.
J’arrive finalement à me positionner au col à l’est de Jaussier qui est dans l’ombre. J’ai préféré cet endroit au falaises orientées Nord qui s’illuminent au dessus de l’embranchement routier vers Annot. C’est le même endroit où j’abouti quand je viens du Coyer, souvent ça conflue.
Je n’arrive pas à maintenir mon altitude malgré les légers bips. Je commence alors à réaliser que ça va être compliqué de se poser vent de travers dans le seul champ assez long, les arbres sont hauts. Au fil de la descente, ça devient vraiment tendu, l’aile devient de plus en plus nerveuse : je commence à être bien sous le vent de la vallée principale. J’atteins, après une belle section full bar dans le chaos, une pente assez bien orienté dans le flux du canyon en aval qui mène dans ce trou.
C’est je pense l’endroit le plus sain et accessoirement je préfère aussi être au dessus d’une forêt.
Très vite je prends des trucs assez violents, ce n’est pas que pure turbulence, ça monte. Il y a une petite ravine sous la foret qui est repassée au soleil, et je suis pile dans le flux. Je m’accroche concentré à 100% sur mon enroulage pour tenir le choc et rester dans le coeur de l’ascendance. Quand je reprend mes esprits, je suis à 3000 sous le nuage quelques kilomètres bien à l’est de l’endroit où je me suis enfermé dans ma concentration. Voilà ce que j’aime avec le parapente : à un moment tu es à 100m de te poser dans l’endroit le plus isolé du coin, à 5 heures de galère de chez toi et 5 minutes après tu es en finesse de la délivrance.
Poussé par le nord, je trace à 60kmh directement sur l’Arpille ou un nouveau cauchemar se présente. Je suis totalement scotché par la brise d’ouest et l’ouest. Je décalle comme jamais les ascendances devenues molles. Il commence à être tard. Je vois les gourdonnais rentrer sur l’autoroute, longer le col de Bleine en déroulant à mach 12, à seulement 2 kilomètres de moi. Frustrant.
2000, je rêve de faire les 2000 qu’il faudrait. J’essaie toutes les options, il en manque toujours. A un moment après environ 45 minutes j’arrive à faire 1900 et je me lance. Il me manque une vingtaine de mètres pour passer et je pose donc au nord du déco de Bleine. Je marche 50m avec l’aile en boule et redécolle après avoir foiré une tentative. Il est tard, je suis bien poussé mais ça ne monte plus.
J’arrive à dérouler et je passe 20 mètres au dessus des lignes, un peu tendu, ce qui me permet de rejoindre Gréolières où je peine à me maintenir au dessus du rond point. Le seul pilote que je surveillais à l’atterro a fini de plier son aile, je vais le rejoindre avant qu’il ne quitte les lieux.
J’ai le plaisir de rencontrer David, venu du paramoteur et super motivé par le vol libre. Je lui raconte mes aventures en sirotant une bière avant qu’il ne me ramène avec gentillesse à la maison.
J’espère que mon récit t’as plu David 🙂
Remontée de l’Esteron
Remonter l’Esteron ?
https://parapente.ffvl.fr/cfd/liste/2017/vol/20231221
Les interrogations naissent naturellement lorsque l’on aime voler et que l’on a les pieds solidement posés dans cette belle vallée de l’Esteron. Du bas, la vue est, plus qu’ailleurs, fragmentaire. Cette brise forte et tortueuse, ces fours rocailleux, cette rivière d’une couleur verdonnesque… il y a aussi ces énormes remparts au Sud et au Nord qui nous isolent. Il faudrait pouvoir prendre de l’altitude.
Cela fait quelques années que je trace a l’occasion des lignes transverses, pour satisfaire cette curiososité, mais l’entreprise grandiose de partir de Gilette pour sortir à l’Harpille, ligne évidente et majestueuse à mon sens, est restée longtemps un rêve inavoué.
Oui je sais c’est fou, peut-être même hautain, mais à la question de ce qui me ferait le plus envie entre un posé à Chamonix et ces 30 petits kilomètres ma réponse est sans hésitation : Esteron !!!
Par trois fois l’année dernière j’ai échoué au départ de Nice.
2 échecs dans la « marche d’approche » (raccrocher Gilette) que j’ai pourtant faite a maintes reprises, comme si le fait de se décider explicitement pour ce parcours m’avait rendu inefficace. Un des ces 2 échecs fût ponctué de rage par une fuite en avant assez sanguine pour aller voir quand même. Résultat : un atterrissage déraisonnable. Je me déteste quand je m’emporte de la sorte.
J’ai pourtant persévéré et réalisé un véritable essai dans le vif du sujet début mai 2017. Certes, j’avais conscience que c’était bien tardif comme période, mais je voyais le temps filer et le parcours m’échapper. Dans des conditions prometteuses, je suis parti du nord de Gilette pour transiter sur la première montagne (Mont Lion) qui n’a rien donné. J’ai patienté puis j’ai pris conscience que ce vol, en cette saison, revêt un caractère de course contre la montre assez déplaisant contre la brise et que la stabilité était de mise dans ce trou.
Impossible de faire machine arrière, je suis arrivé a Pierrefeu assez bas. En chemin je me suis fait littéralement dégommer (bien dégommer même) par la brise chaotique et les pétards sur-stables.
Là encore, il était difficile de patienter sachant que la situation risquait de devenir de pire en pire avec la brise qui forcissait. Las de la stabilité, sans pouvoir faire de plein, je me suis jeté sur la suite, cette énigmatique crête boisée et effilée. Arrivé bas, au moment de décréter que cette lame n’avait aucun rendement dynamique, j’ai joué la carte d’une vue de l’esprit, une hypothétique confluence, au lieu de risquer de perdre de l’altitude et de passer un mauvais moment en prospectant une cuvette… mauvais choix… perdu…
Adrenaline… je pousse au max mon glide… et je pose entre les arbustres du lit de la rivière à une heure encore correcte.
Avec le recul, j’ai eu quand même trop peur vers Pierrefeu, j’ai compris qu’il ne fallait pas jouer avec le feu et que ce n’est pas ma volonté ou ma technicité qui allait tout faire. J’aime ce genre de parcours qui tiennent en respect parcequ’il ne suffit pas d’être bon et déterminé : il faut être invité et le savoir.
2018, la bonne occasion
L’envie reprend naturellement à l’automne 2017, mais les occasions manquent.
Mi-mars 2018, après un hiver exécrable, les conditions sont sensées être excellentes. En fait, c’est très décevant. Un flux de sud compense des plaf bas et humides au départ de Nice. Arrivé au nord de Gilette, je refuse de m’engager voyant les entrées maritimes gagner du terrain et des plafs bas. Je me suis posé, dégoûté, sans envie de faire un parcours alternatif par le mont Vial. La journée a permis de faire 100k depuis Gourdon… mais je ne suis même pas deçu.
De bonnes conditions sont annoncées pour le lundi 26 mars, Jean-Paul est dispo. Je sais qu’il ne décollera pas du Mont Chauve alors je me laisse tenter par l’autre option pour taquiner l’Esteron : TSL.
Plus d’une heure de bouchons pour sortir de Nissa-la-puta, heureusement que l’on est pas encore bien calé sur l’heure d’été. Notre avance sur le soleil compense ce coup du sort.
On arrive à TSL et on rencontre Loïc. C’est déjà tres bon. Une horde de gunnettes déboule à mach 12 de Gourdon et je m’échauffe avec une petite coucourse. Il y a un léger voile mais sinon tout semble bien.
Les guns s’agglutinent sur la finish line du Baou de la Gaude. Je n’aime pas trop la dérive du thermique travaillé avec Stéphane et Alain, je dois me positionner sur mon arrête et dérouler pour aller à Carros … bingo.
Bonne course pour le retour les gars… et que le meilleur gagne 😉
A Carros ça ne monte pas des masses. J’en profite pour manger et essayer de récupérer ma pipette et ma radio qui pendouillent.
Thermique : go pour Gilette, il y a juste ce qu’il faut pour arriver confortablement.
Pfff à Gilette cela ne monte pas beaucoup et me voila obligé d’aller sur la crête de Bonson..
Là encore c’est toujours assez stable et je ne suis pas vraiment motivé, ça sent le piège. Cela ne me tente guère de m’engager dans ces conditions. Je décide de continuer sur le Mont Vial, tant pis, cette fois je profiterai quand même de la journée.
A peine quitté Bonson je trouve un thermique bien différent, je sens l’effet bénéfique du vent meteo de NO, bien frais. Yes, c’est bon ca !
Du coup, je suis encore très bien placé pour m’engager sur mon itinéraire. Nébulosité et développements au Sud sont corrects (c’est important car c’est ni plus ni moins que l’ombre à venir sur mon parcours).
Cette tendance NO 10 kmh me pose quand même un peu question, est-ce raisonnable de se mettre ce handicap dans cet itinéraire ? Le vent d’ouest est sensible depuis le début du vol… Et bien je pense que la garantie de monter vaut bien une finesse dégradée. J’ai quand même un doute sur l’orientation que prendra la brise de vallée en remontant vers l’Harpille mais les plafs semblent solides là bas et je pourrai probablement bouriner.
Esteron, à nous deux !
Go go go ! Je suis pas mal contré pour arriver au Mont Lion, cela ne monte pas, à part une bulle que je ne tiens pas…
Je continue vers Pierrefeu… Je rumine : était-ce une bonne idée de m’engager avec du NO ? Mais ça n’avance toujours pas ! Et s’il y avait a max de vent ? Bref, je doûte et je suis également prêt pour un round de boxe qui se déclencherait sans vraiment prévenir, comme la dernière fois.
Une minute de doûte en raccrochant et finalement je monte. Je n’ai jamais rien fait de mieux que du Yoyo à cet endroit lors de mes 2 uniques passages précédents.
Je suis donc très concentré et je m’applique comme jamais pour ne pas laisser passer ma chance, c’est un point clef du vol et je le sais. Le thermique dérive quand même dans le sens de la brise jusqu’au moment de rencontrer le flux de nord. Je m’applique encore et toujours et je quand je n’arrive plus à monter je suis assez haut pour me lancer sur la fameuse crête avec espoir.
S’il y a une ascendance, je devrais la trouver.
Toujours une finesse assez merdique en transition… je chevauche la crête boisée qui remonte doucement… un bip pas trop enroulable, je continue… J’espere trouver une ascendance avant de devoir me coller à cette pente orientée à 90 degrès du flux…
Et bam, en voilà un bien violent. Au dessus de ces pentes boisées homogènes… on se croirait en Ligurie. J’adore cet état de concentration extrême où l’on fait tout pour rester dans le noyau sans trop subir, ou la gestuelle trouve un rythme.. et où le sol s’éloigne vite.
Quelques centaines de mètres d’altitude en plus et en quelques secondes je passe à d’autres soucis, plus lointains.
Je prends tout ce qui traine et je vais retrouver le terrain connu de Roquesteron et Sigale. Le premier crux est passé et je vais pouvoir me donner les moyens d’aborder le prochain, raccrocher Aiglun, comme il faut. Je profite de ce paysage magnifique.
Roquesteron
Le scénario piégeux par excellence : tu arrives sur une crête tu la chevauches et la parcoures sans trouver d’ascendance… et tu arrives bas a la fin. Apres un peu de prospection je serais presque tenté de continuer vers les faibles pentes hyperminerales SE apres le Riolan. Mais je me suis deja rendu là bas en venant d’Aiglun sans rencontrer un seul mouvement à cabrer.
Je reste donc patient et precis pour finalement sortir par le haut. le thermique deboite un peu mais la sortie est par le haut. Encore une fois il manque du plaf pour voir les choses avec un recul confortable, mais j’arrive a me positionner sur l’arrête d’Aiglun avec 50m de marge. Comme prévu, les faibles pentes etaient stables et difficilement exploitables, j’ai bien fait de m’appliquer.
Aiglun
Et boom ca monte superbement.. le thermique est propre. La vue a changé mais elle est toujours grandiose. La clue d’aiglun est impressionnante.
J’enroule le thermique le plus facile du vol dans un cadre majestueux… mais je suis un peu triste. Au fond je sais que c’est bientôt fini.
En effet, je vais pouvoir traverser la riviere et les plafs semblent génereux en face. Mon inquietude venait aussi des developpements sur les cretes de Greo et de Bleine et de l’ombre qu’ils font dans la vallée, mais il y a un peu de marge. Les pentes sont encore au Soleil.
Ma vitesse tombe mais j’arrive à enrouler vers le Mas. L’altitude devient sympa, je poursuis et j’arrive a a l’Arpille sous des nuages généreux. C’est gagné.
Le ciel est bien sympa mais je décide de rentrer au plus vite, libéré et fier de mon coup. Arrivé à Gourdon sans un virage, je déroule tranquillement et je me pose sur une planche au dessus du déco de TSL, comblé.
Quels magnifiques souvenirs.
Tourrettes – Peille – Grasse AR
20 avril 2017, Tourrettes-sur-Loup, Peille, Grasse et retour, ligne directe par le sud
trace du vol http://parapente.ffvl.fr/cfd/liste/2016/vol/20211529
C’était le 20 août 2015, Roquebrune – Gourdon – Roquebrune : l’aller-retour de mes rêves, enchaînant par une ligne directe les plus beaux balcons du 06 pour contempler la Méditerranée : Mont Agel, Mont Macaron, Mont Chauve, Baou de la Gaude, Baou de Saint-Jeannet, Tourrettes, Courmette.
Naturellement, la petite entorse à l’aller, en traversant le Var par Carros, cassait un peu la rectitude de la trace. Cela me laissait un peu de travail pour plus tard, mais je savais qu’il faudrait des conditions exceptionnelles pour faire plus direct, avec la transition Mont Chauve > Baou de la Gaude !
Le mercredi 19 avril, Benoît Outters fait un super vol de puis Tourrettes jusqu’à Menton avec un retour en passant au nord par le Mont-Vial. Le vent et les fortes brises l’ont éjecté dans les montagnes avant qu’un mur de Sud ne le mette KO au col de Bleine. Et cela dans des conditions impressionnantes à l’écouter ! Nous convenons donc de nous rappeler le lendemain matin pour aller voler.
Un coup de fil et nous nous retrouvons à Tourrettes, également avec Arthur, le p’tit jeune qui monte, pour profiter de ce ciel généreux, s’il nous fait l’honneur d’être encore en superbes conditions. Je pense à reproduire et à boucler ce parcours inachevé que Benoît a fait la veille, il m’a bien fait baver. Evidemment, si les conditions sont propices au retour direct par le sud avec cette fameuse transition directe Mont Chauve > Baou de la Gaude, mon choix ne fera guère de doûte !
Loïc Diaz et Stéphane Garin, l’assistant de Benoit pour la Xalps 2017 nous rejoignent.
Je décolle en premier, vers 11h et centre directement le thermique sans devoir bricoler : j’arrive en quelques minutes jusqu’à 1800 ! C’est bien parti.
Cela sent bon la journée historique, il faut en profiter pour faire un gros gros truc.
Je peine à me positionner sous le nuage vers Vence, Benoît et Arthur sont en l’air et semblent bâcler le plein pour me rejoindre.
Je poursuis au large de Saint-Jeannet où je bricole difficilement un petit vario tandis que les 2 jeunes derrière semblent avoir trouvé un vrai noyau. Je décide de rester dans mon petit truc sans jouer à la coucourse ou trop me soucier d’eux. L’ascendance rend son dernier souffle et je suis indécis sur le fait de lancer ma transition vers le Mont Chauve. En effet, comme la veille et comme les prévisions l’indiquaient le vent est de la partie, comme pour nous enseigner que dans notre 06, rien ne se fait gratuitement. Je me lance, depuis Saint Jeannet à 1750, contré par du Nord-Est.
Je vois Benoit me doubler par le bas, quelques centaines de mètres plus bas, il semble engager lui aussi la transition. Optimiste ou aguerri comme jamais avec un compas infaillible dans l’oeil ? Optimiste il était, il fait demi-tour assez vite pour revoir sa copie et reprendre un ascenseur avec Arthur.
A l’arrivée vers le Mont-Chauve ma vitesse s’effondre un peu plus. Par ces journées ventées et copieusement instables, il suffit de 2 thermiques au vent pour se trouver avec l’horrible impression de ne plus avancer et/ou tomber du ciel, positionné dans un venturi invisible et décourageant. Finalement, ce vent de face me ramène avant l’heure tous les thermiques de la crête qui descend du Mont Chauve vers Nice. Je monte tranquillement, c’est large. Journée royale, vous dis-je ! Et quelle vue sur Nice !
(en haut à droite l’icone « focus » permet de sélectionner le pilote à suivre)
Au Mont Macaron une large zone ascendante me cueille. Je cesse d’enrouler vers 1900 pour éviter la TMA et je prends d’emblée une mauvaise ligne vers Peille. C’est encore du vent qui me scotche. Je fais rapidement demi-tour pour repartir d’un peu plus haut et surtout pour lancer la transition sur de bons rails, dans une direction porteuse.
Là encore, je suis bien contré et je ne vais pas pouvoir chevaucher directement les sommets pour passer éventuellement sur Gorbio. Je commence à me dire que le temps tourne avec ces vitesses d’escargot et que, sans même parler du vent qui doit passer S ou SO, de telles conditions hyper généreuses dans le massif coiffé par du Nord frais et modéré vont nous donner très rapidement une très forte brise dans le Var. Les fortes brises étaient d’après Benoit un fait notable de la veille. Sentant Peille un peu piégeux à cette heure, je préfère me positionner au milieu de la vallée pour ramasser ce qui pourrait sortir de la crête de Peillon et du col de Saint Pancrace : et bingo, je refais 1800.
J’aurais tout loisir d’aller à Menton mais cela me mettrait dans un timing qui promettrait :
- soit un retour dantesque et sportif par Carros vers le Baou de la Gaude
- soit un retour par Carros puis Coursegoules
- soit un retour/détour musclé par le Nord comme Benoit la veille
Je préfère profiter de mon plein pour faire demi-tour avec la certitude d’être dans peu de temps assez haut et pas trop décalé au dessus du Mont-Chauve. Vu comme j’étais contré à l’aller je me dis qu’avec un énorme plaf et un peu de vent favorable, il doit être possible de faire un retour direct sur le Baou de la Gaude. C’est exactement LE gros truc que j’attendais de la journée. Un truc comme j’aime, une performance insignifiante pour 99% des pilotes, mais pour moi il n’y a pas plus délicieux.
C’est donc un demi-tour au plaf que j’effectue.
Video qui déchire : le vol de Benoit la veille, jolie vue sur Nice
Je pensais être immédiatement poussé autant que j’ai été contré à l’aller, mais me voilà bien déçu : d’après mes vitesses, j’ai environ 10 km/h de vent dans la face sur la trajectoire que j’emprunte vers le Macaron. J’essaie de dialoguer avec Arthur, j’apprends qu’ils vont sur Peille. Yes je les vois.
Arrivé au Macaron, je me repositionne dans la large zone ascendante prise à l’aller et en étant patient, je fini en taquinant la TMA. Je suis encore à 1700 en survolant le Mont Chauve alors je décide de tenter de passer en direct, malgré la composante de SO à 10-15 km/h. Je commence à avoir de bons repères tant sur l’aérologie du jour que sur la glisse de ma nouvelle aile, je pense qu’avec un peu de réussite ensemble on peut le faire !!!
C’est parti. Psychologiquement, je passe par un peu tous les états. Au début je trouve que ma trajectoire n’est pas vraiment porteuse et que le chemin est long. J’aimerais gagner le maximum de terrain sur la brise pour me retrouver bien placé de l’autre coté de la vallée. Mais je dois avant tout couvrir toute la distance de la transition et donc aller au plus court.
J’y crois jusqu’au survol du fleuve. Dès lors, mes impressions se précisent et le replat certainement va m’empêcher de taper au vent du Baou de la Gaude. Le vent de Sud-Ouest est toujours présent, presque plus sensible que la brise sur mes vitesses. Je suis trop short et je suis contré par les éléments, c’est la déprime. Je m’en voudrais presque d’avoir tenté le pari alors que j’aurais pu rentrer par Carros.
Je n’ai plus d’autre choix que de prendre le cap des premiers reliefs venus, en espérant, en priant, que le replat ou les pentes du bas donnent. Je ne connais pas très bien ces basses couches, mais j’ai souvent constaté que plus haut, quand la brise est à un bon régime il ne fait pas bon être en vallée sans l’appui des reliefs principaux.
En fait, pour le dire plus simplement, j’espère que la brise n’est pas encore assez forte pour tout emporter sur son passage, y compris moi.
L’espoir revient au survol des pentes du bas. Je zérote. Puis je prends du positif, je traverse le large thermique un peu mollasson qui vient des champs déventés du replat. Il y a une quantité énorme d’air chaud qui ne demande qu’à s’élever ici, et elle y arrive de manière homogène, malgré le vent et la brise du Var qui monte doucement en puissance. Comme souvent en enroulant depuis très bas, j’arrive à garder le thermique malgré sa dérive et sa faiblesse.
J’annonce triomphalement ma victoire à la radio par un enthousiaste cri : « Mont-Chauve – Baou de la Gaude en direct yes yes yes ! » C’est peut-être un détail pour eux, mais pour moi ça veut dire beaucoup (France Gall).
Je me repositionne plusieurs fois au vent en retrouvant des thermiques pour regagner une altitude confortable digne de journées historiques ! Dès lors, je n’aurais plus qu’à être consciencieux sur les plafonds et concentré sur les séquence de vol droit accéléré pour gérer et vaincre patiemment le vent de Sud-Ouest, bien pénible jusqu’à Courmette.
J’irai ensuite facilement jusqu’à Grasse et je me reposerai à Tourrettes d’où je suis parti, jamais sous les 1300:) Je ne croiserai qu’une aile à Gourdon.
Quelle journée exceptionnelle !