Tourrettes – Peille – Grasse AR

20 avril 2017, Tourrettes-sur-Loup, Peille, Grasse et retour, ligne directe par le sud

trace du vol http://parapente.ffvl.fr/cfd/liste/2016/vol/20211529

C’était le 20 août 2015, Roquebrune – Gourdon – Roquebrune : l’aller-retour de mes rêves, enchaînant par une ligne directe les plus beaux balcons du 06 pour contempler la Méditerranée : Mont Agel, Mont Macaron, Mont Chauve, Baou de la Gaude, Baou de Saint-Jeannet, Tourrettes, Courmette.

Naturellement, la petite entorse à l’aller, en traversant le Var par Carros, cassait un peu la rectitude de la trace. Cela me laissait un peu de travail pour plus tard, mais je savais qu’il faudrait des conditions exceptionnelles pour faire plus direct, avec la transition Mont Chauve > Baou de la Gaude !

Le mercredi 19 avril, Benoît Outters fait un super vol de puis Tourrettes jusqu’à Menton avec un retour en passant au nord par le Mont-Vial. Le vent et les fortes brises l’ont éjecté dans les montagnes avant qu’un mur de Sud ne le mette KO au col de Bleine. Et cela dans des conditions impressionnantes à l’écouter ! Nous convenons donc de nous rappeler le lendemain matin pour aller voler.

Un coup de fil et nous nous retrouvons à Tourrettes, également avec Arthur, le p’tit jeune qui monte, pour profiter de ce ciel généreux, s’il nous fait l’honneur d’être encore en superbes conditions. Je pense à reproduire et à boucler ce parcours inachevé que Benoît a fait la veille, il m’a bien fait baver. Evidemment, si les conditions sont propices au retour direct par le sud avec cette fameuse transition directe Mont Chauve > Baou de la Gaude, mon choix ne fera guère de doûte !

Loïc Diaz et Stéphane Garin, l’assistant de Benoit pour la Xalps 2017 nous rejoignent.

Je décolle en premier, vers 11h et centre directement le thermique sans devoir bricoler : j’arrive en quelques minutes jusqu’à 1800 ! C’est bien parti.

Cela sent bon la journée historique, il faut en profiter pour faire un gros gros truc.

Je peine à me positionner sous le nuage vers Vence, Benoît et Arthur sont en l’air et semblent bâcler le plein pour me rejoindre.

Je poursuis au large de Saint-Jeannet où je bricole difficilement un petit vario tandis que les 2 jeunes derrière semblent avoir trouvé un vrai noyau. Je décide de rester dans mon petit truc sans jouer à la coucourse ou trop me soucier d’eux. L’ascendance rend son dernier souffle et je suis indécis sur le fait de lancer ma transition vers le Mont Chauve.  En effet, comme la veille et comme les prévisions l’indiquaient le vent est de la partie, comme pour nous enseigner que dans notre 06, rien ne se fait gratuitement. Je me lance, depuis Saint Jeannet à 1750, contré par du Nord-Est.

Je vois Benoit me doubler par le bas, quelques centaines de mètres plus bas, il semble engager lui aussi la transition. Optimiste ou aguerri comme jamais avec un compas infaillible dans l’oeil ? Optimiste il était, il fait demi-tour assez vite pour revoir sa copie et reprendre un ascenseur avec Arthur.

A l’arrivée vers le Mont-Chauve ma vitesse s’effondre un peu plus. Par ces journées ventées et copieusement instables, il suffit de 2 thermiques au vent pour se trouver avec l’horrible impression de ne plus avancer et/ou tomber du ciel, positionné dans un venturi invisible et décourageant. Finalement, ce vent de face me ramène avant l’heure tous les thermiques de la crête qui descend du Mont Chauve vers Nice. Je monte tranquillement, c’est large. Journée royale, vous dis-je ! Et quelle vue sur Nice !

(en haut à droite l’icone « focus » permet de sélectionner le pilote à suivre)

Au Mont Macaron une large zone ascendante me cueille. Je cesse d’enrouler vers 1900 pour éviter la TMA et je prends d’emblée une mauvaise ligne vers Peille. C’est encore du vent qui me scotche. Je fais rapidement demi-tour pour repartir d’un peu plus haut et surtout pour lancer la transition sur de bons rails, dans une direction porteuse.

Là encore, je suis bien contré et je ne vais pas pouvoir chevaucher directement les sommets pour passer éventuellement sur Gorbio. Je commence à me dire que le temps tourne avec ces vitesses d’escargot et que, sans même parler du vent qui doit passer S ou SO, de telles conditions hyper généreuses dans le massif coiffé par du Nord frais et modéré vont nous donner très rapidement une très forte brise dans le Var. Les fortes brises étaient d’après Benoit un fait notable de la veille. Sentant Peille un peu piégeux à cette heure, je préfère me positionner au milieu de la vallée pour ramasser ce qui pourrait sortir de la crête de Peillon et du col de Saint Pancrace : et bingo, je refais 1800.

J’aurais tout loisir d’aller à Menton mais cela me mettrait dans un timing qui promettrait :

  • soit un retour dantesque et sportif par Carros vers le Baou de la Gaude
  • soit un retour par Carros puis Coursegoules
  • soit un retour/détour musclé par le Nord comme Benoit la veille

Je préfère profiter de mon plein pour faire demi-tour avec la certitude d’être dans peu de temps assez haut et pas trop décalé au dessus du Mont-Chauve. Vu comme j’étais contré à l’aller je me dis qu’avec un énorme plaf et un peu de vent favorable, il doit être possible de faire un retour direct sur le Baou de la Gaude. C’est exactement LE gros truc que j’attendais de la journée. Un truc comme j’aime, une performance insignifiante pour 99% des pilotes, mais pour moi il n’y a pas plus délicieux.

C’est donc un demi-tour au plaf que j’effectue.


Video qui déchire : le vol de Benoit la veille, jolie vue sur Nice

Je pensais être immédiatement poussé autant que j’ai été contré à l’aller, mais me voilà bien déçu : d’après mes vitesses, j’ai environ 10 km/h de vent dans la face sur la trajectoire que j’emprunte vers le Macaron. J’essaie de dialoguer avec Arthur, j’apprends qu’ils vont sur Peille. Yes je les vois.

Arrivé au Macaron, je me repositionne dans la large zone ascendante prise à l’aller et en étant patient, je fini en taquinant la TMA. Je suis encore à 1700 en survolant le Mont Chauve alors je décide de tenter de passer en direct, malgré la composante de SO à 10-15 km/h. Je commence à avoir de bons repères tant sur l’aérologie du jour que sur la glisse de ma nouvelle aile, je pense qu’avec un peu de réussite ensemble on peut le faire !!!

C’est parti. Psychologiquement, je passe par un peu tous les états. Au début je trouve que ma trajectoire n’est pas vraiment porteuse et que le chemin est long. J’aimerais gagner le maximum de terrain sur la brise pour me retrouver bien placé de l’autre coté de la vallée. Mais je dois avant tout couvrir toute la distance de la transition et donc aller au plus court.

J’y crois jusqu’au survol du fleuve. Dès lors, mes impressions se précisent et le replat certainement va m’empêcher de taper au vent du Baou de la Gaude. Le vent de Sud-Ouest est toujours présent, presque plus sensible que la brise sur mes vitesses. Je suis trop short et je suis contré par les éléments, c’est la déprime. Je m’en voudrais presque d’avoir tenté le pari alors que j’aurais pu rentrer par Carros.

Je n’ai plus d’autre choix que de prendre le cap des premiers reliefs venus, en espérant, en priant, que le replat ou les pentes du bas donnent. Je ne connais pas très bien ces basses couches, mais j’ai souvent constaté que plus haut, quand la brise est à un bon régime il ne fait pas bon être en vallée sans l’appui des reliefs principaux.

En fait, pour le dire plus simplement, j’espère que la brise n’est pas encore assez forte pour tout emporter sur son passage, y compris moi.

L’espoir revient au survol des pentes du bas. Je zérote. Puis je prends du positif, je traverse le large thermique un peu mollasson qui vient des champs déventés du replat. Il y a une quantité énorme d’air chaud qui ne demande qu’à s’élever ici, et elle y arrive de manière homogène, malgré le vent et la brise du Var qui monte doucement en puissance. Comme souvent en enroulant depuis très bas, j’arrive à garder le thermique malgré sa dérive et sa faiblesse.

J’annonce triomphalement ma victoire à la radio par un enthousiaste cri : « Mont-Chauve – Baou de la Gaude en direct  yes yes yes ! » C’est peut-être un détail pour eux, mais pour moi ça veut dire beaucoup (France Gall).

Je me repositionne plusieurs fois au vent en retrouvant des thermiques pour regagner une altitude confortable digne de journées historiques ! Dès lors, je n’aurais plus qu’à être consciencieux sur les plafonds et concentré sur les séquence de vol droit accéléré pour gérer et vaincre patiemment le vent de Sud-Ouest, bien pénible jusqu’à Courmette.

J’irai ensuite facilement jusqu’à Grasse et je me reposerai à Tourrettes d’où je suis parti, jamais sous les 1300:) Je ne croiserai qu’une aile à Gourdon.

Quelle journée exceptionnelle !

 

Roquebrune – Gourdon – Roquebrune

Roquebrune Gourdon Roquebrune, itinéraire direct par le sud.

http://parapente.ffvl.fr/cfd/liste/2014/vol/20175528

C’est la ligne magique de la Côte d’Azur, elle stimule mon enthousiasme depuis mal de temps.

Rien à mes yeux ne semblait plus héroïque, esthétique et élégant que d’évoluer entre les 2 sites phares du département sur une trajectoire directe. Il s’agissait de naviguer successivement au dessus de quelques-uns des plus beaux belvédères révélant la beauté de notre Côte d’Azur. Il était très important à mes yeux de ne pas se laisser aller à la facilité et de ne surtout pas dénaturer l’itinéraire en passant par les montagnes.

J’aurais pu attendre que ça se fasse tout seul. Compter simplement sur l’opportunisme. Profiter de la journée fumantissime et stratosphérique qui m’aurait placé gratuitement au dessus des difficultés. Vous savez, ce genre de journées magiques auxquelles rien ne résiste. Tout est possible, tout est facile. Il y en a 2 ou 3 par an, celles qui nous font tous aimer le ciel, celles qui nous récompensent tous.

Mais j’en avais trop envie. Alors j’ai commencé à croquer des morceaux. Voler au dessus de Nice, traverser le Var, le traverser puis revenir, le descendre. Chaque vol avait du sens, il tenait avec sa propre logique. A chaque fois, c’était si bon, une énorme satisfaction me nourrissait. Derrière tout cela, évidemment, il y avait le combat qui m’attendrait un jour pour obtenir le Graal.

J’avais suffisamment d’armes en mains pour livrer bataille. Seule la section finale Mont-Chauve – Mont-Agel me manquait. Le début de l’automne allait probablement être une période propice, j’étais prêt et ne pensais plus trop à tout cela. Au pire, la fin d’hiver allait certainement offrir des possibilités.

Au mois de Juillet, j’ai bousculé mes à priori en me fiant à des prévisions annonçant du fumant sur la côte. Instable même très bas, comme en hiver, je pensais cela rarissime, voire impossible en été. Il m’était déjà arrivé de voler remarquablement bien en été sur la côte, mais de là à penser que toute la côte – à l’Est comme à l’Ouest – pouvait être en conditions sur une journée entière, il y avait une barrière psychologique à franchir.

En juillet donc, je me rends au décollage des Cabanelles sur les faces Est du Mont-Agel (décoller de Roquebrune étant interdit en cette saison). A 9 heures c’était déjà fumant ! Parti de Peille bas et trouvant un improbable relai, j’ai eu de la chance d’atteindre le Mont Macaron et d’en ressortir. Ensuite les conditions avaient été très bonnes !!!

C’est la première fois que je livrais vraiment bataille et j’ai échoué bêtement sur la traversée du Var au retour. Les plafs y étaient et j’ai très stupidement joué au poker alors j’avais des heures devant moi !!! Les altitudes faussées de mon GPS ? La légère tendance Est ? La peur de réussir ? L’envie d’y retourner ? Un simple manque de motivation ? Peu importe, cela m’avait appris beaucoup sur mes faiblesses et m’avais rassuré sur le timing initial et sur la descente du Var et de sa brise en plein été. J’avais bousculé pas mal de mes idées préconçues et cela ouvrait des possibilités.

Au début du mois d’Août je snobe une autre journée propice pour aller faire (ou plutôt tenter) du circuit à Bleine. Après 3 semaines de vacances sans voler, j’étais en manque, je voulais me goinfrer de kilomètres et de thermiques comme un gros cochon. C’était surtout la peur d’échouer. Peu importe, j’étais désormais rassasié et on n’allait plus me reprendre à déserter une journée propice pour de l’itinéraire branlette. J’avais désormais toutes les cartes en mains et finalement, je m’étais fait à l’idée de réaliser ce vol en été. Il s’agissait davantage d’un combat contre soi-même que d’une course contre la montre lors d’une journée plus courte dans des conditions plus faciles. Rajouter l’anachronisme à l’exigence du parcours, à son originalité et à sa distance ridicule, voilà qui me rapprochait encore plus de l’Aventure et m’éloignait avec plaisir de l’insipide triptyque km points validité du sport fédéral.

Donc nous voilà le 20 aout. Chose assez rare, je ne suis pas très bien psychologiquement, je suis loin d’avoir uniquement du parapente en tête. En fait, cet itinéraire est le cadet de mes préoccupations. Je souhaite aller voler tranquillement à Sospel, me changer paisiblement les idées 1 heure ou 2 et maîtriser mon timing. Finalement, l’enthousiasme de Cyril Lopes Da Conceicao et sa disponibilité déclenchent le choix du site : les Cabanelles. L’envie terrible d’en découdre n’est absolument pas le moteur aujourd’hui. Mais on ne sait jamais. Mais je sais que comme toujours, une fois en l’air, cela va venir naturellement si les conditions sont là. Et elles sont sensées être au rendez-vous.

Je me force à être doublement vigilant car le facteur de risque « état psychologique » est rouge, un peu.

Il est 9 heures et c’est déjà très bon, nous nous préparons lentement pour temporiser et ne pas céder aux chants de sirènes.

Le timing initial semble crucial.

On décolle en face Est de 1000, on doit plafer vers 1500 au antennes de Peille pour une longue glissade et arriver vers 700 sur une montagnette immonde (Mont Macaron) qui est l’antithèse même de la montagne propice au parapente. On doit pouvoir y faire 1300. Ensuite on doit faire plus de 1300 devant le Mont-Chauve, une espèce de pyramide aux déclenchements cycliques, et entamer une longue traversée de Var vers une cuvette au dessus de Carros. On reprend ensuite en dynamique et on descend la vallée du Var face à une brise qui monte en puissance et dont le débit permet d’alimenter à elle seule une bonne partie du massif. Ensuite on peut se relacher.

Après un décollage toujours un peu pénible dans les touffes de thym et les rochers, la partie d’échecs commence donc. il est 9h40. J’oublie de setter la bonne altitude et mon GPS en profite pour me tendre le même piège que la dernière fois.

Au plaf, nous nous communiquons nos altitudes avec Cyril et j’en déduis que mes 1620 sont plutôt 1450. Je n’arrive pas à corriger l’altitude de mon GPS, le calcul mental devra faire partie de chaque consultation.

Tout se passe bien sur le glide, j’arrive néanmoins ric-rac au dessus des lignes sur le Mont-Macaron. Cyril avec son matériel moins performant s’en sort de justesse et ratissant en basse couche dans la cuvette sous les lignes. Quel pilote ! Et que dire de cette masse d’air qui tient ses promesses !

Je monte doucement et laborieusement, puis cela devient plus facile. La trajectoire vers l’Abadie donne thermiques sur thermiques, je fais tranquillement mes emplettes. Cela ne peut être que mieux pour la suite. Je vois Cyril monter également, en se faisant un peu décaler dans le flux de la brise, c’est quand même bon signe.

Arrivé haut au Mont Chauve, j’arrive à trouver directement un thermique bien constitué et cela me satisfait de m’être bien appliqué à monter avant. Cyril est bien haut, très à l’Est du Macaron.

10h40, 1270m Transition vers Carros, je me vois arriver haut comme jamais. Mais la brise qui devait me pousser n’est pas là. J’arrive largement au dessus de l’espèce d’Abbaye, mais j’ai l’horrible surprise de constater que je ne peux pas compter sur du dynamique. Je dois m’employer avec les déclenchements thermiques ci et là pour remonter. Plus je me rapproche des crêtes sommitales et meilleur est le rendement. Yes c’est bon. Maintenant je vais pouvoir descendre le Var aussi facilement que possible. Il y a déjà 15-20 kmh de brise, autant dire que j’ai vaincu bien pire ici.

J’ai du mal a communiquer avec Cyril car la batterie de ma radio est sur la fin et j’émets par tranches d’une seconde. J’essaie de lui indiquer où taper sur Carros, je le vois haut sur le Mont-Chauve puis je le perds définitivement.

11h10 J’arrive au Baou de la Gaude et je dois désormais lutter contre une tendance Ouest qui pourrait rendre la suite un peu compliquée. Heureusement, la masse d’air est bonne et les plafs généreux me permettent d’arriver à Gourdon somme toute assez facilement. L’Ouest se rappelle à moi et je dois m’y reprendre pour arriver vers la boule vers 12h25.

Le ciel est maintenant en passe de se voiler par l’ouest. Je pousse quand même jusqu’à la colle du Maçon pour voir les dégats de l’incendie de cet été.

12h35 J’attaque le retour. Le voile nuageux va indiscutablement être un problème. Je m’applique à rester haut et je fais un bon plein, plus de 1500m, au Puy de Tourettes. L’accès au Baou de la Gaude est donc acquis. Je pense qu’il n’y a pas meilleur lieu pour encaisser les coups face au voile nuageux.

C’est au Baou de la Gaude où reprend la partie d’échecs. Ma stratégie est simple : il est 13h20, le soleil se couche vers 21h : je ne partirai qu’avec ce qu’il faut pour traverser le Var. Cela prendra 1,2,3,4 heures ou davantage mais je ne céderai pas.

Au bout de presque 40 minutes à enrouler des trucs prometteurs ou simplement temporiser au grès du voile nuageux, les rayons du soleil reviennent durablement. Je change de thermique. Un rapace m’aide à noyauter, nous allons pouvoir finir à une belle altitude. Puis assez subitement, le rapace part, ça ne monte plus. Je suis un petit peu sous le seuil que je m’étais fixé, mais j’ai compris que tous les paramètres étant enfin au vert depuis un petit moment maintenant, il n’y aura certainement pas mieux. 1350m, positionné un peu en vallée, avec une tendance Ouest, c’est quand même jouable. il est 14h20 quand je commence à transiter.

Effectivement, l’Ouest me facilite un peu des choses et j’arrive à bricoler deux tours dans une bulle décallant de manière immonde à Colomars avant d’arriver sur la face ouest de la crête du Mont-Chauve.

J’arrive évidemment limite. Je suis au niveau de la petite bosse que j’avais repérée d’abord en remontant sous le cagnard après un vachage, puis validée ensuite dans un autre vol. Elle joue encore une fois son rôle.

La brise est très forte, il faut se positionner très précisemment, mais ça marche !!! Une petite erreur sur une trajectoire en enroulant et une longue dégueulante en remontant la brise me rappelle que je marche sur des oeufs. Je reprends tout à 0, et en sortant le grand jeu, je sors. C’est une énorme satisfaction, il est un peu moins de 13h et le crux est passé !

Je me repose ensuite 15 minutes en me relachant un peu. Il faut tenir la Mantra car ça pilonne sec, comme un après-midi d’été, mais pour un petit moment je ne pense plus à la partie d’échecs. Me contenter de piloter me fait un bien fou. Cette petite parenthèse me permet de profiter pleinement de cette vue magnifique, en observant Nice, le boulevard Jean Médecin, les bateaux, les avions qui atterrissent… c’est quand même énorme de voler là !

Je vais attaquer la section qui me manquait. Je n’avais jamais vraiment réfléchi à la problématique et j’avais jusqu’alors dénié les difficultés par un simple « bah une fois au Mont Chauve ça doit rentrer facilement avec les brises »… Mouais…. quand je commence à me pencher sur le problème, le challenge prend toute sa dimension. Un sacré challenge.

Ca ne monte guère, tout est bleu, il fait chaud, la brise est forte et les nuages des faces Ouest de Peille me narguent. Après des prospections loin au sud, des tentatives de plafer ci et là, je me dirige au dessus du site de modèlisme. Ma vitesse me semble assez bonne face au sud et je pense passer facilement sur les antennes au dessus de L’Abadie pour y tenter la chance. Cela devrait monter ici. Je me remémore le trajet des lignes HT qui se réunissent en bas pour alimenter Monaco et Menton. C’est quand même chaud en dessous et ça ne pardonnera pas trop l’improvisation, il ne faudrait pas l’oublier.

15h10, j’arrive à 750m soit quelques mètres au dessus des antennes de l’Abadie, tout va très vite. Je fais un tour pour conclure que je ne devrais pas surtout pas en faire un second ! Je me rabats immédiatement tant que c’est encore possible vers le Macaron, sous peine de me faire enfermer dans une horrible descente infernale au vent de cette pente faiblarde truffée de lignes de toutes tailles et de maisons.

Bricolage appliqué, pétards qui décalent, je réussis à me hisser à hauteur de sommet sur cette saloperie de Mont-Macaron. Il ne tient aucune des promesses faîtes à l’aller. Au début, au moins les pétard toniques se succèdent et rester 50 m au dessus est simple. A défaut de monter bien haut, c’est déjà ça.

J’arrive vite à faire un minable 1050, puis après un tour par terre un 1100 depuis lequel je me lance. Je me ravise assez vite car ma trajectoire initiale dégueule sévèrement.

Je refais ensuite, de mémoire, 2 plafs un peu moins bons, mais qui permettent éventuellement de poursuivre vers le Nord pour espérer rejoindre le Férion et les magnifiques nuages des montagnes au Nord depuis lesquelles d’une manière ou d’une autre, je réussirai probablement à rejoindre le déco). Mais il n’est pas question de céder à la facilité ! On reste devant ! Après tout ce que j’ai fait aujourd’hui, ce n’est pas le moment de faiblir. Je trouve cela plus honorable de glisser jusqu’au stade de Peille, ou même d’accepter la défaite dans la vallée du Paillon, que m’en sortir en dénaturant la fin comme une raclure. Trahir l’esprit du vol n’est pas possible.

Je dois à un moment gérer le timing pour absorber 1 long épisode de voile d’altitude, puis le soleil revient. et ensuite l’aérologie s’avère… pire qu’avant. Je remonte diffcilement à l’altitude du sommet. Le temps passe, le soleil tourne. Ces basses couches sont si stables. M’enfermer sur les face Nord-Ouest me parait être le piège parfait. Je m’y refuse.

Finalement, je décide d’explorer, avant d’y être contraint le thermique de l’étage inférieur, au dessus des lignes. J’y crois peu avec la brise forte. Finalement, c’est une bonne minasse qui m’accueille et je m’y accroche comme un doberman.

16h30, après 1h15 de Macaron, je pars de 885m dans le flux de la brise en ayant décalé du mieux que je pouvais le thermique.

Mes chances sont minces de pouvoir basculer sur la vallée de Peille pour me glisser au stade; Je n’espère pas davantage. Ce serait déjà bien mais c’est loin d’être gagné !

Je suis tellement bas que j’ai absolument besoin de tout mon sang-froid pour arbitrer entre mon énergie à ne rien lâcher et ma sécurité, qui doit rester la priorité, tout va aller très vite. Les pensées se succèdent.

Blausasc : arrivée bas, remontée en dynamique pour poursuivre le vol, réussite très incertaine, branchage si échec : option à décliner

Passer dans la vallée de Peille : possible, si la brise y est forte il y aurait une chance mincissime de taper le relief avant d’aller au stade. Je prends

Une belle ligne électrique traverse pile où il serait convenable de passer pour optimiser ma trajectoire vers Peille, c’est trop risqué. Je dois donc traverser en aval au niveau de la carrière, quitte à me voir enfermer par la ligne une fois dans la vallée et de devoir poser à la carrière.

Cela portouille sur la petit crête qui y va, mais je connais ce genre de sons piégeux où un tour de coûte 5 mètres. Ca va passer, ca va passer. Je prie pour ne pas me retrouver dégueulé ou contré au dernier moment, il faudrait passer ric rac et poser immédiatement ou faire demi-tour pour probablement se brancher avec calme.

En théorie ça passe.

Au feeling ça passe.

Mon expérience la plus primitive me dit que ça peut aussi bloquer au dernier moment.

Ca passe. Je passe. Pas le temps de se réjouir, next décision. Réponse immédiate obligatoire.

Enfermé par la ligne ou pas ? Posé en vallée devant possible ou pas ? Oui ou non ? Posé carrière ? Fuite en vallée ?

A peine ai-je mobilisé ce petit arbre de décision dans mon esprit que mon vario se met à biper. Mon réflèxe est de faire un quart de tour seulement et de laisser biper en remontant au vent. Au cas où ce ne serait qu’un petit petard merdeux ou une turbulence, je veux rester maitre de ma trajectoire et ne pas faire une demi tour dans du dégueulit bien mou.

Immédiatement, mon corps se sent envahit d’une sensation de chaleur intense. Cette carrière déventée sur une crête est un putain de four solaire comme j’en ai jamais vu. Je ressens la chaleur dans ma chair comme si je m’étais assis dans une voiture restée toutes la journée sous un soleil d’été.

Peu importe la stabilité qui a gagné les basses couches depuis longtemps, je suis au dessus d’un convecteur tellement puissant, homogène et large que tout mon stress disparait instantanément.

Mon stress de pouvoir passer la ligne qui m’enferme peut-être disparait. Puis mon doûte d’atteindre le stade. Puis mon doûte d’avoir ma chance en dynamique. Puis mon doûte de raccrocher les faces ouest. Puis mon doûte de reposer en haut.

Plus de doûte en vue, je décompresse tranquillement. Quel finish ! Toutes les émotions se sont enchainées si vite depuis que je suis parti du Macaron qu’il me faut un petit moment pour réaliser que j’ai réussi mon vol. De gros cris sortent ! Evacuer la tension, exprimer la satisfaction.

Puis le calme revient et je fais quelques photos.

Je profite encore un peu du vol, c’est magnifique de voir au loin la boule de Gourdon, minuscule.

Je me reconcentre pour me poser en douceur en haut. Seul sur ces montagnes, à remettre mon aeronef dans son sac, un bel instant. L’aventure est terminée.

Cyril m’apprend qu’il s’est posé après avoir rejoint Carros au bon endroit sans arriver à descendre le Var. C’est qu’il a fait une belle petite section bien intense et qu’il a profité de la magnifique vue du Mont Chauve ! Bien joué.

Voilà, allons voir ailleurs.

Gourdon – Roquebrune

Enfin le Graal du 06.

Gourdon Roquebrune par Roquesteron et le Mont-Vial
65 km – 21 mars 2013
http://www.victorb.fr/visugps/visugps.html?track=http://www.victorb.fr/visuigc/23032013_153026_2013-03-21-gourdon-vial-roquebrune_IGC

Les prévisions pour ce Samedi 23 mars 2013 nous donnent un plaf vers 1500 à Gourdon et un peu plus derrière et de l’Ouest qui va finir par passer en basses couches à 20 kmh.

Ca peut être bien comme ça peut être médiocre.

Sur un petit nuage depuis un superbe Roquebrune Savone, je vais voler à reculons car je sais bien que voler à Gourdon risque d’être bien fade après ce superbe 4/4 du 16 mars. C’est bien parce que la météo est pourrie après pour longtemps que j’y vais.

On arrive un peu tard avec Dgilou et Dadou.

Très vite, quelque chose me semble anormal : ça monte plus haut que d’habitude ! Las de voler devant en 2 dimensions, je préfère aller vers gréo avec une petite idée derrière la tête : essayer d ‘aller à Roquebrune car ça semble un projet réaliste aujourd’hui. Pour moi, ce vol est LE vol.

Jouer avec les éléments au mieux peut permettre de faire des parcours plus longs, plus beaux, plus variés, plus originaux… mais aller de Gourdon à Roquebrune sans le faire par hasard, c’est un des vols qui m’avait le plus impressionné de la part de Luc.

Ca commence bien, je pars à 1700 avec David vers l’Est de la crête de Calern. Trajectoire malheureuse, on arrive à peine à hauteur de relief. Un petit tour minable jusqu’à l’observatoire pour constater que rien ne monte ici. David s’y pose, oh shit man !
Dgilou passe avec de la marge direct sur le Punch depuis Gourdon. Toujours impeccable ce Dgilou.

Je profite du minimum syndical pour passer de l’autre côté et me jeter dans la foret. Sur les reliefs avant les lignes, je traverse des zones ascendantes qu’il est souvent impossible d’enrouler mais qui suffisent si on les chemine bien à garantir l’accès au Punch. Là c’est tout à fait enroulable, j’en profiter et je tombe sur un truc très très sympa qui me propulse plus haut que Gilles.

On se retrouve à Greo où je le double en cheminant sans enrouler. Afin de voir où il en est et de dire bonjour au skieurs, j’enroule dans une belle pente enneigée un petit thermique agréable. Il dérive bien et lorsque j’aurais du me remettre au vent, j’ai un petit lacher-prise à cet instant. Un petit truc me dit de continuer à enrouler en dérivant ce petit thermique qui va au nord. « Pascal, réalises ce projet de trajectoire Greo- Roquesteron-Acros, c’est une des lignes qui te manques, tu en rêves, et en plus ça a du sens pour aller à Roquebrune »

Et c’est parti, je dérive jusqu’à 1860 et ensuite feu sur le nord. Et ça ne dégueule pas, et ça remonte un peu avant d’arriver sur Roquesteron, et c’est joli !!! En fait c’est plus que joli c’est énorme : Aiglun Cigale Roquestron, l’Esteron c’est superbe. Ca filme !!!


J’arrive largement au dessus des reliefs de Roquesteron, après m’être efforcé de rester haut. Je trouve un truc qui monte mais pas vite. Je m’en contente un moment puis je le perds et je vais de l’avant. Encore un truc médiocre, j’ai du rater le thermique officiel de Roquesteron mais ce n’est pas grave.

J’ai des supporters en radio ! Je ne sais pas comment ils connaissent la fréquence fédé mais des habitants de Cuerbis me saluent ! Pour eux, un parapentiste ici ne peut être qu’égaré !

Je reste donc longtemps dans petit thermique qui monte très doucement et j’en profite pour regarder ce paysage de fou, la luminosité est excellente, l’air est très sec, on voit loin.

Je file ensuite pour connecter les crêtes qui vont au Mont-Vial en comptant bien trouver un truc en chemin. Le lieux est appelé Les Crottes sur la carte, le thermique est superbe, bien fort, avec une belle dérive grâce à la tendance SO plus affirmée au fil des mètres grimpés.
2350, je chemine vers le Vial.
Encore 2350 vers Toudon !

Je me place mal vers le Mont-Vial et je ne trouve rien sur mon chemin. C’est un peu dommage mais je suis à 2000 et je décide de tenter quand même.

Je surveille ma vitesse, j’appréhende le moment où mon aéronef rencontrer la brise du Var. La moindre turbulence me fait trembler, je crains à chaque fois qu’elle soit annonciatrice d’une entrée en brise.

Je gagne le plus possible vers le Sud et toujours rien, une belle vitesse. J’oblique donc maintenant vers Levens, je ne sais pas trop où taper. Je vais taper au Nord de Levens à l’endroit où je parie que c’est le mieux. Le temps de trouver en vrai truc pour monter, ça va mieux. Je chevauche le Férion et il me semble que l’ascendance devient vraiment solide quand elle capte l’énergie des faces Sud-Est bien minérales et abruptes. 2050 au Férion.

La ligne Coaraze > Lucéram > Mangiabo est probablement un truc énorme. C’est vraiment le jour idéal pour faire ça. Vu la qualité de la masse d’air et les probables plafs, je pourrais ensuite prétendre continuer du Mangiabo vers la tête l’Alpe, connecter le Torrage et aller encore plus loin. En termes de kilomètres et de variété de l’itinéraire, ce serait un truc mémorable.

Mais une fois n’est pas coutume, j’ai un objectif précis : Roquebrune. Gardons-en pour plus tard, il y aura d’autres occasions de survoler Lucéram !

Escarène ou Peille ? Ca devrait passer pour un Peille en direct! Je pars donc pour un Férion-Peille en suvolant notamment le fief de Loïc, Berre-les-Alpes.

J’arrive exactement où je voulais. Ce sommet adossé au village de Peille est un coin que je n’aime pas trop. On peut vite perdre pas mal de gaz et se retrouver très bas sans beaucoup d’appuis, baignant dans la stabilité.

Le doute commence à me gagner, en fait j’ai la peur de réussir. Je me vois trop prendre 2-3 mauvaises décisions et sombrer jusqu’à poser au stade du bas.

Je décide donc d’aller vers la via ferrata. Je bricole un peu, on est un peu sous le vent de la brise de mer mais il y a des bons déclenchements. Lorsque j’arrive à enfin enrouler un truc, je dérive à max mais le gain me permet de connecter le déco de Peille.

Je sais que c’est gagné, j’arrive à Laï Bareï et je survole Nico Féraud en faisant des gros YESSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSS. Un petit tour au cap et je laisse exploser ma joie avec les copains une fois posé à la plage ! YES YES YES YES.

Je suis vraiment super content. Cerise sur le gâteau, les ultimes Luc, David et Russel étaient là. Merci à eux pour l’inspiration et aussi pour les superbes jouets qu’ils ont créé.

Pascal