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Remontée de l’Esteron
Remonter l’Esteron ?
https://parapente.ffvl.fr/cfd/liste/2017/vol/20231221
Les interrogations naissent naturellement lorsque l’on aime voler et que l’on a les pieds solidement posés dans cette belle vallée de l’Esteron. Du bas, la vue est, plus qu’ailleurs, fragmentaire. Cette brise forte et tortueuse, ces fours rocailleux, cette rivière d’une couleur verdonnesque… il y a aussi ces énormes remparts au Sud et au Nord qui nous isolent. Il faudrait pouvoir prendre de l’altitude.
Cela fait quelques années que je trace a l’occasion des lignes transverses, pour satisfaire cette curiososité, mais l’entreprise grandiose de partir de Gilette pour sortir à l’Harpille, ligne évidente et majestueuse à mon sens, est restée longtemps un rêve inavoué.
Oui je sais c’est fou, peut-être même hautain, mais à la question de ce qui me ferait le plus envie entre un posé à Chamonix et ces 30 petits kilomètres ma réponse est sans hésitation : Esteron !!!
Par trois fois l’année dernière j’ai échoué au départ de Nice.
2 échecs dans la « marche d’approche » (raccrocher Gilette) que j’ai pourtant faite a maintes reprises, comme si le fait de se décider explicitement pour ce parcours m’avait rendu inefficace. Un des ces 2 échecs fût ponctué de rage par une fuite en avant assez sanguine pour aller voir quand même. Résultat : un atterrissage déraisonnable. Je me déteste quand je m’emporte de la sorte.
J’ai pourtant persévéré et réalisé un véritable essai dans le vif du sujet début mai 2017. Certes, j’avais conscience que c’était bien tardif comme période, mais je voyais le temps filer et le parcours m’échapper. Dans des conditions prometteuses, je suis parti du nord de Gilette pour transiter sur la première montagne (Mont Lion) qui n’a rien donné. J’ai patienté puis j’ai pris conscience que ce vol, en cette saison, revêt un caractère de course contre la montre assez déplaisant contre la brise et que la stabilité était de mise dans ce trou.
Impossible de faire machine arrière, je suis arrivé a Pierrefeu assez bas. En chemin je me suis fait littéralement dégommer (bien dégommer même) par la brise chaotique et les pétards sur-stables.
Là encore, il était difficile de patienter sachant que la situation risquait de devenir de pire en pire avec la brise qui forcissait. Las de la stabilité, sans pouvoir faire de plein, je me suis jeté sur la suite, cette énigmatique crête boisée et effilée. Arrivé bas, au moment de décréter que cette lame n’avait aucun rendement dynamique, j’ai joué la carte d’une vue de l’esprit, une hypothétique confluence, au lieu de risquer de perdre de l’altitude et de passer un mauvais moment en prospectant une cuvette… mauvais choix… perdu…
Adrenaline… je pousse au max mon glide… et je pose entre les arbustres du lit de la rivière à une heure encore correcte.
Avec le recul, j’ai eu quand même trop peur vers Pierrefeu, j’ai compris qu’il ne fallait pas jouer avec le feu et que ce n’est pas ma volonté ou ma technicité qui allait tout faire. J’aime ce genre de parcours qui tiennent en respect parcequ’il ne suffit pas d’être bon et déterminé : il faut être invité et le savoir.
2018, la bonne occasion
L’envie reprend naturellement à l’automne 2017, mais les occasions manquent.
Mi-mars 2018, après un hiver exécrable, les conditions sont sensées être excellentes. En fait, c’est très décevant. Un flux de sud compense des plaf bas et humides au départ de Nice. Arrivé au nord de Gilette, je refuse de m’engager voyant les entrées maritimes gagner du terrain et des plafs bas. Je me suis posé, dégoûté, sans envie de faire un parcours alternatif par le mont Vial. La journée a permis de faire 100k depuis Gourdon… mais je ne suis même pas deçu.
De bonnes conditions sont annoncées pour le lundi 26 mars, Jean-Paul est dispo. Je sais qu’il ne décollera pas du Mont Chauve alors je me laisse tenter par l’autre option pour taquiner l’Esteron : TSL.
Plus d’une heure de bouchons pour sortir de Nissa-la-puta, heureusement que l’on est pas encore bien calé sur l’heure d’été. Notre avance sur le soleil compense ce coup du sort.
On arrive à TSL et on rencontre Loïc. C’est déjà tres bon. Une horde de gunnettes déboule à mach 12 de Gourdon et je m’échauffe avec une petite coucourse. Il y a un léger voile mais sinon tout semble bien.
Les guns s’agglutinent sur la finish line du Baou de la Gaude. Je n’aime pas trop la dérive du thermique travaillé avec Stéphane et Alain, je dois me positionner sur mon arrête et dérouler pour aller à Carros … bingo.
Bonne course pour le retour les gars… et que le meilleur gagne 😉
A Carros ça ne monte pas des masses. J’en profite pour manger et essayer de récupérer ma pipette et ma radio qui pendouillent.
Thermique : go pour Gilette, il y a juste ce qu’il faut pour arriver confortablement.
Pfff à Gilette cela ne monte pas beaucoup et me voila obligé d’aller sur la crête de Bonson..
Là encore c’est toujours assez stable et je ne suis pas vraiment motivé, ça sent le piège. Cela ne me tente guère de m’engager dans ces conditions. Je décide de continuer sur le Mont Vial, tant pis, cette fois je profiterai quand même de la journée.
A peine quitté Bonson je trouve un thermique bien différent, je sens l’effet bénéfique du vent meteo de NO, bien frais. Yes, c’est bon ca !
Du coup, je suis encore très bien placé pour m’engager sur mon itinéraire. Nébulosité et développements au Sud sont corrects (c’est important car c’est ni plus ni moins que l’ombre à venir sur mon parcours).
Cette tendance NO 10 kmh me pose quand même un peu question, est-ce raisonnable de se mettre ce handicap dans cet itinéraire ? Le vent d’ouest est sensible depuis le début du vol… Et bien je pense que la garantie de monter vaut bien une finesse dégradée. J’ai quand même un doute sur l’orientation que prendra la brise de vallée en remontant vers l’Harpille mais les plafs semblent solides là bas et je pourrai probablement bouriner.
Esteron, à nous deux !
Go go go ! Je suis pas mal contré pour arriver au Mont Lion, cela ne monte pas, à part une bulle que je ne tiens pas…
Je continue vers Pierrefeu… Je rumine : était-ce une bonne idée de m’engager avec du NO ? Mais ça n’avance toujours pas ! Et s’il y avait a max de vent ? Bref, je doûte et je suis également prêt pour un round de boxe qui se déclencherait sans vraiment prévenir, comme la dernière fois.
Une minute de doûte en raccrochant et finalement je monte. Je n’ai jamais rien fait de mieux que du Yoyo à cet endroit lors de mes 2 uniques passages précédents.
Je suis donc très concentré et je m’applique comme jamais pour ne pas laisser passer ma chance, c’est un point clef du vol et je le sais. Le thermique dérive quand même dans le sens de la brise jusqu’au moment de rencontrer le flux de nord. Je m’applique encore et toujours et je quand je n’arrive plus à monter je suis assez haut pour me lancer sur la fameuse crête avec espoir.
S’il y a une ascendance, je devrais la trouver.
Toujours une finesse assez merdique en transition… je chevauche la crête boisée qui remonte doucement… un bip pas trop enroulable, je continue… J’espere trouver une ascendance avant de devoir me coller à cette pente orientée à 90 degrès du flux…
Et bam, en voilà un bien violent. Au dessus de ces pentes boisées homogènes… on se croirait en Ligurie. J’adore cet état de concentration extrême où l’on fait tout pour rester dans le noyau sans trop subir, ou la gestuelle trouve un rythme.. et où le sol s’éloigne vite.
Quelques centaines de mètres d’altitude en plus et en quelques secondes je passe à d’autres soucis, plus lointains.
Je prends tout ce qui traine et je vais retrouver le terrain connu de Roquesteron et Sigale. Le premier crux est passé et je vais pouvoir me donner les moyens d’aborder le prochain, raccrocher Aiglun, comme il faut. Je profite de ce paysage magnifique.
Roquesteron
Le scénario piégeux par excellence : tu arrives sur une crête tu la chevauches et la parcoures sans trouver d’ascendance… et tu arrives bas a la fin. Apres un peu de prospection je serais presque tenté de continuer vers les faibles pentes hyperminerales SE apres le Riolan. Mais je me suis deja rendu là bas en venant d’Aiglun sans rencontrer un seul mouvement à cabrer.
Je reste donc patient et precis pour finalement sortir par le haut. le thermique deboite un peu mais la sortie est par le haut. Encore une fois il manque du plaf pour voir les choses avec un recul confortable, mais j’arrive a me positionner sur l’arrête d’Aiglun avec 50m de marge. Comme prévu, les faibles pentes etaient stables et difficilement exploitables, j’ai bien fait de m’appliquer.
Aiglun
Et boom ca monte superbement.. le thermique est propre. La vue a changé mais elle est toujours grandiose. La clue d’aiglun est impressionnante.
J’enroule le thermique le plus facile du vol dans un cadre majestueux… mais je suis un peu triste. Au fond je sais que c’est bientôt fini.
En effet, je vais pouvoir traverser la riviere et les plafs semblent génereux en face. Mon inquietude venait aussi des developpements sur les cretes de Greo et de Bleine et de l’ombre qu’ils font dans la vallée, mais il y a un peu de marge. Les pentes sont encore au Soleil.
Ma vitesse tombe mais j’arrive à enrouler vers le Mas. L’altitude devient sympa, je poursuis et j’arrive a a l’Arpille sous des nuages généreux. C’est gagné.
Le ciel est bien sympa mais je décide de rentrer au plus vite, libéré et fier de mon coup. Arrivé à Gourdon sans un virage, je déroule tranquillement et je me pose sur une planche au dessus du déco de TSL, comblé.
Quels magnifiques souvenirs.